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nous comprenons tous les départemens de la France, qui présentent des corps de ferme ayant depuis trois jusqu’à douze charrues d’exploitation, ou plutôt les cantons de ces départemens qui possèdent ces grandes exploitations ; car plusieurs départemens pourroient offrir à la fois des exemples de grande, de moyenne, et de petite culture.

La culture des céréales est le principal objet du travail de ces grandes exploitations, parce que c’est celle qui est la plus avantageuse au fermier et au propriétaire dans les localités où elles existent ; et cette culture leur y présente le plus grand avantage, parce que ces localités sont à la proximité des lieux de grande consommation, ou des grands marchés qui les approvisionnent.

Ces grandes exploitations sont de véritables manufactures de subsistances qui, dans les temps de disette, offrent à la consommation générale de grandes ressources qu’on chercheroit en vain dans les pays de moyenne et de petite culture.

L’administration de ces grandes exploitations est fondée, comme celle des manufactures, sur l’économie la plus sévère de temps et de moyens, et sur la surveillance la plus immédiate.

Leurs fermiers n’y emploient que le nombre d’hommes, de bestiaux et d’instrumens nécessaires aux besoins de leur culture. Toute leur intelligence se porte sur les moyens les plus efficaces de faire produire à leurs terres les plus grandes récoltes possibles en céréales ; et, si on les voit cultiver des prairies artificielles et des plantes légumineuses, c’est pour bonifier leurs terres autant que pour subvenir à la nourriture de leurs bestiaux.

Dans les pays de grande culture, les grandes exploitations présentent des terres beaucoup mieux cultivées et plus soignées, et des récoltes beaucoup plus abondantes, que dans les petites exploitations que l’on rencontre souvent dans les mêmes localités, parce que la culture des céréales est d’autant plus avantageuse dans ces localités, qu’elle est faite en plus grande masse. C’est un trait de plus de ressemblance que les grandes exploitations ont avec les manufactures. Mais l’étendue de ces exploitations doit s’arrêter au point où leurs fermiers et leur famille ne pourroient plus en inspecter et en surveiller par eux-mêmes toutes les opérations.

Aussi, que l’on parcoure les pays de grande culture, qu’on en examine les récoltes, on trouvera souvent des terres qui présenteront l’apparence d’une récolte de cinq cents gerbes par arpent, tandis qu’à côté, une terre d’égale qualité ne donnera pas l’espérance d’une récolte de deux cent cinquante gerbes : la terre qui présente la plus belle récolte appartient à un gros fermier, et l’autre à un petit cultivateur. Dans ces localités, cela doit être ainsi. En effet, pour bien conduire une grande exploitation, il faut d’abord de grands capitaux, (environ 15,000 fr. par charrue) ensuite de l’intelligence et de l’instruction. Cela posé, on sent combien, dans la culture des céréales, le petit cultivateur doit avoir de désavantage sur le gros fermier. Celui-ci fait faire toutes les opérations de sa culture toujours dans le temps le plus opportun, car il a la force et l’intelligence nécessaires pour les commander à propos ; et ces différentes opérations lui coûtent toujours relativement moins cher qu’au premier qui, n’ayant qu’une intelligence et des moyens bornés, ne peut profiter aussi complètement de ces temps les plus opportuns pour la culture. Nous disons une intelligence bornée ; car, dans ces pays, un cultivateur intelligent ne voudroit pas se charger d’une ferme de petite exploitation, il ne trouveroit