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les chenilles et quelques autres insectes ; quelques agronomes habiles paroissent cependant s’en être servi avec succès.

Acide sulfurique. L’acide sulfurique est toujours le résultat de la combustion du soufre portée à son maximum d’acidification, soit qu’on le relire des sulfates dans lesquels il est tout formé, soit qu’on l’obtienne directement par la combinaison du soufre avec l’oxigène à une température élevée. Retiré pendant longtemps des vitriols de fer qu’on distilloit en Saxe pour obtenir cet acide, il a porté le nom d’huile de vitriol et d’acide vitriolique. Si l’on fait arriver dans des chambres de plomb les vapeurs qui résultent de la combustion d’un mélange de soufre et de salpêtre, elles se condensent, se mêlent à l’eau qui y est contenue, et elles forment l’acide sulfurique. On le met ensuite dans de grandes chaudières en plomb, où l’on commence à le concentrer : cette opération s’achève dans des cornues de verre, dans lesquelles on le fait chauffer fortement pendant douze à quinze heures. Lorsqu’il est pur et concentré, il est parfaitement blanc, sans odeur ; il attire l’humidité de l’air, il a un coup-d’œil un peu laiteux, une pesanteur spécifique double de celle de eau, et il doit marquer soixante-six degrés à l’aréomètre. Dans cet état, il est onctueux au toucher, très-caustique, il bride, désorganise, charbonne très-promptement les substances végétales et animales ; pris à l’intérieur, il agit d’une manière terrible, et il doit être placé au rang des plus violens poisons. En attaquant la peau il forme des ampoules et des plaies considérables, sur-tout lorsqu’il est bouillant. J’ai employé pour le traitement de ces brûlures extérieures, dont quelques unes étoient fort profondes, le vin d’opium, et l’opium à l’état gommeux, dont je faisois mettre un emplâtre sur la plaie. Ce moyen, essayé comparativement avec le traitement ordinaire, a toujours eu l’avantage de détruire presque sur le champ la douleur, et de faire cicatriser d’une manière beaucoup plus prompte. Cet acide, pris intérieurement, est si actif, qu’il a déjà produit de grands ravages avant qu’on ait fait prendre au malade les substances qui puissent le neutraliser. Les dissolutions de savon, et la magnésie délavée dans de l’eau sucrée, sont les meilleurs contre-poisons et les plus efficaces. L’acide sulfurique, dont la concentration n’est pas complète, peut se geler à quelques degrés au dessous de zéro. M. Chaptal, à qui les arts ont de si grandes obligations, et dont les importantes fabriques se distinguent par la beauté de leurs produits, a obtenu de 1 à 3° -0 de l’acide sulfurique cristallisé en prismes hexaèdres. Dans l’hiver de l’an II, j’ai fait cette observation, et j’ai eu même des cristaux beaucoup plus gros : quelques aiguilles avoient jusqu’à dix à douze pouces de long, sur un pouce et demi à deux pouces de large, sur chaque face de la pyramide.

L’acide sulfurique existe dans la nature, combiné avec un grand nombre de substances, telles que la chaux, l’alumine, le fer, et ce n’est qu’accidentellement qu’on le trouve pur dans quelques grottes, dans quelques lieux volcanisés, comme à Sienne, à Viterbe, aux bains de Saint-Philippe, à la Solfatarra. Cet acide est devenu d’un usage si général dans les arts, dans la tannerie, la fabrication des indiennes, le blanchiment des étoffes, que les fabriques de ce genre se sont beaucoup multipliées en France et chez l’étranger. On employoit beaucoup autrefois la dissolution de l’indigo par l’acide sulfurique à soixante-six degrés, pour faire les bleus et les verts de Saxe ; mais toutes les couleurs ainsi obtenues ne sont pas solides, on les fait actuellement à la cuve. En médecine, on se sert quelquefois de sa propriété caustique. Très-