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quoi se fonde-t-on ? je l’ignore ; personne que je sache n’a fait d’expériences comparatives pour éclaircir un point si intéressant, et pourtant, ce n’est que par des expériences qu’il peut être éclairci ; j’en ai fait une sur quatre cochons de la même portée et de même force ; les deux nourris aux pommes de terre crues, étoient, après un temps donné, aussi gros que les deux autres qui avoient consommé la même quantité de pommes de terre cuites. Mais qu’est-ce qu’une seule expérience pour résoudre une question aussi importante ? Elle ne peut qu’engager à en faire de nouvelles. En principe, je ne vois pas ce que l’ébullition peut ajouter de parties alimentaires aux substances qui y sont soumises ; elles ne pourroit les rendre plus nutritives qu’en les rendant plus digestives : mais l’estomac des animaux les digère parfaitement dans l’état de crudité. Cet objet, au reste, quoiqu’il ne soit pas étranger à l’objet qui nous occupe, n’en est pourtant qu’un accessoire éloigné. Je m’empresse d’y revenir.

Les feuilles d’un grand nombre d’arbres fournissent aux animaux une nourriture verte, tout-à-la-fois agréable, saine et nourrissante. Ces arbres sont les ormes, les chênes, les aulnes, les peupliers, les érables, les néfliers, les cormiers, les hêtres, les sureaux et sur-tout les diverses espèces d’acacia dont la végétation est d’une richesse qu’on trouve rarement dans les autres arbres. Parmi les espèces d’acacia, il en est une surtout qui me paroît mériter l’attention des cultivateurs, sous le rapport de la nourriture des animaux ; c’est le robinia inermis ou l’acacia sans épines. Je ne connois pas d’arbres aussi riches en feuilles longues, molles, douces, pourvues enfin de tous les caractères qui semblent indiquer une excellente nourriture ; un champ planté de robinia seroit une prairie perpétuelle qui fourniroit plusieurs coupes chaque année, beaucoup plus abondantes que celle de la luzerne la plus riche ; on n’a encore trouvé malheureusement aucun autre moyen de multiplier cette espèce que la greffe ou l’ente sur l’acacia ordinaire qui, comme on sait, réussit assez bien sur les plus mauvais terrains.

On emploie aussi la feuille verte de frêne à la nourriture des animaux ; cette feuille puissamment purgative ne produit aucun effet fâcheux sur les animaux à quatre estomacs qui, comme je l’ai démontré dans un ouvrage ad hoc, digèrent sans en être incommodés, des poisons très-actifs, à des doses énormes ; mais je crois qu’il seroit dangereux de donner la feuille de frêne en verd au cheval ou à d’autres animaux à un seul estomac, non-seulement à raison de la propriété que je viens d’indiquer, mais parce qu’il arrivera souvent que ces feuilles sont chargées de cantharides qui avalées par les animaux, produiroient sur eux des effets funestes. Je dois avouer, au reste, que cette observation n’est fondée sur aucun fait dont j’aie connoissance, mais seulement sur le simple raisonnement qui avertit de se mé-