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journellement victimes de pareils écarts.

On ne sauroit douter que le verd ne soit très-propre à en diminuer le nombre. Mais dans cette circonstance, c’est souvent bien moins le verd lui-même qui produit cet effet, que l’inaction dans laquelle on abandonne les animaux, ou plutôt la facilité qu’on leur laisse de ne se livrer qu’aux mouvemens auxquels les porte l’instinct de leur conservation et le plaisir de jouir de leur liberté.

Ce seroit peut-être ici le cas d’examiner quelle est la manière d’agir du verd, sur les animaux ; comment il produit les heureux effets qu’on lui attribue. Ce point seul pourroit être l’objet d’une dissertation bien savante, enrichie des vues les plus profondes de la physiologie ; mais ces vues si profondes m’ont toujours paru sujettes à tant d’écarts, et la connaissance des pourquoi, des comment, si obscure et si peu importante en comparaison de celle des faits que je crois devoir me borner à rapporter ces derniers qu’assez d’autres chercheront à expliquer.

Le premier effet que produit le verd est de purger les animaux. Cette purgation dure cinq, six, huit jours, et quelquefois davantage, elle ne cesse que peu à peu et par gradation, et les animaux gardent pour l’ordinaire le ventre libre, pendant toute la durée du verd.

Les urines se montrent beaucoup plus abondantes, dès les premiers jours : elles sont d’abord crues et très-limpides, mais bientôt elles se colorent et deviennent dépuratoires.

Le poil qui, pour l’ordinaire, est terne, piqué, sec et décoloré dans les chevaux que l’on met au verd, dans ceux du moins qu’on doit y mettre, commence bientôt à reprendre son éclat, sa flexibilité, son onctuosité : la transpiration interrompue se rétablit peu après et devient très-abondante ; la peau se détache peu-à-peu des os, et reprend sa souplesse. L’animal recouvre à vue d’œil l’embonpoint qu’il avoit perdu, et avec lui celle vivacité, ces saillies impétueuses, cette noble fierté, cette gaîté désordonnée qui forment l’ensemble de son caractère.

Le verd, celui du moins qui se prend dans la prairie, et en liberté, a aussi une influence extrêmement utile sur les articulations fatiguées par un travail forcé et sur-tout prématuré ; les extrémités reprennent jusqu’à un certain point les aplombs qu’elles avoient perdus ; les engorgemens humoraux qui n’affectent point la substance même des os, s’y dissipent ou s’atténuent considérablement. Mais ces heureux changemens ne sont de quelque durée, qu’autant que les chevaux sont très-ménagés ; on les désigne, pour l’ordinaire, sous le nom de chevaux refaits, et malheur à l’acheteur qui les prend pour des chevaux neufs et les soumet imprudemment à un travail trop fatigant. Il les voit bientôt retomber dans leur premier état. Tels sont les effets les plus ordinaires du verd donné aux animaux ; mais ces effets ne sont pas toujours aussi