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tiel qu’il soit insensible lorsqu’on commence à baratter.

Tout ce lait, tant du soir que du matin, est baratté ensemble le lendemain à la pointe du jour. Pour cet effet, on verse la totalité dans une grande baratte, sans en extraire aucune des parties qui composent le lait ; en hiver on approche la baratte du feu ; mais dès que la partie butireuse commence à se séparer, on a grand soin de l’en éloigner ; sans cette précaution le beurre seroit blanc ; on éprouveroit le même inconvénient si l’opération étoit trop longue. Ainsi on doit y employer une femme vigoureuse, et qui ne se permette que peu de repos.

Dès que toute la partie butireuse est séparée, on la reçoit dans une jatte de bois aussi très-propre et bien lavée en eau froide avant de s’en servir ; c’est dans cette jatte qu’on pétrit le beurre pour le délaiter. Cette opération se fait, dans les campagnes de Rennes, avec une cuiller de buis très forte qu’on trempe de temps en temps dans de l’eau fraîche : le manche de cette cuiller n’a pas tout-à-fait 6 pouces de long et environ 10 lignes de diamètre dans toute sa longueur, le cuilleron est long de 4 pouces et demi, épais de 4 lignes dans le milieu du fond, et large de 3 pouces 5 lignes.

Il est très-essentiel de bien délaiter le beurre, c’est-à-dire, d’en extraire exactement tout le petit lait. Pour cet effet, on étend fréquemment le beurre avec la cuiller de buis dans de l’eau fraîche qu’on égoutte et qu’on renouvelle de temps en temps. Cette opération est assez facile, lorsque l’air est frais et serein, mais elle devient très-difficile quand la chaleur est grande, ou qu’il fait du brouillard ou de l’orage ; le beurre est alors si mou, qu’on n’y parvient qu’en la faisant à plusieurs reprises. Après l’avoir bien pétri, on en forme une pelotte qu’on couvre d’un vase renversé, et on le met en lieu frais pendant quelques heures ; on le repétrit ensuite et on le remet rafraîchir pour être pétri de nouveau, l’on continue ainsi jusqu’à ce qu’il soit entièrement purgé de son petit lait. On reconnoît qu’il n’en contient plus lorsque le beurre a acquis de la solidité, ou que l’eau qu’on y a mise ne prend presque plus de couleur laiteuse.

Ce n’est qu’après cette opération qu’on sale le beurre. Les beurrières de Rennes y emploient du sel très-blanc et très-fin ; non du sel blanc tel qu’on le tire de Guérande, mais du sel gris blanchi au feu suivant une méthode qui est connue de tout le monde. Il n’est peut-être pas difficile de trouver la raison de cette préférence. Le sel blanc de Guérande est très-salé, et ses cubes sont très-gros. Le sel gris, au contraire, qui a été blanchi en eau bouillante est peu salé, et ses parties sont très-fines. Le beurre, ne contenant presque plus d’humidité lorsqu’on y met du sel, ce sel y reste dans son état de cristallisation.. Si on faisoit usage de sel dont les parties fussent très-grosses et très-salées, on le retrouveroit sous la dent ; et comme il n’en faudroit qu’une petite quantité pour le de-