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utile pour nourrir et engraisser les bestiaux et fertiliser les terres ; j’en connois beaucoup qui ont prononcé anathême contre elle pour quelque perte de bestiaux.

Il est très-facile de prévenir ces effets fâcheux en ne délivrant jamais le trèfle verd, qu’après sept à huit heures d’intervalle après sa fauchaison, en n’en donnant que de modiques rations ; avec cette précaution, il n’arrivera jamais d’accident. Ceux qui voudront avoir plus de motifs de tranquillité, pourront faire mêler quelque peu de foin délicat, ou semer avec le trèfle un peu de raigraw et de pimprenelle.

Il est inutile de prévenir qu’il ne faut pas non plus par un excès de précaution, laisser fermenter le tas de trèfle en herbe.

Je ne peux trop insister pour recommander de laisser venir les plantes qu’on veut donner en verd à un juste degré de végétation. L’époque de la floraison est un des meilleurs signes, et il faut s’en faire une règle invariable, c’est alors que le fourrage verd est excellent ; un nourrisseur intelligent variera par les engrais ou par les époques des ensemencemens, les temps de la floraison de ces plantes d’une ou plusieurs espèces ; et il en saura calculer la graduation de végétation et de la consommation, de manière que la dernière fauche finie, il puisse prendre et trouver en fleurs la partie qui fut fauchée la première.

Il existe un plus grand nombre de plantes propres à nourrir en verd les bestiaux, que ne l’ont observé ou indiqué jusqu’à ce jour les agronomes ; et quoique celles dont je vais parler intéressent peu les grands possesseurs de bestiaux, je me fais un devoir de les indiquer dans cet ouvrage qui, au surplus, est destiné à l’universalité des cultivateurs. C’est dans le voisinage des grandes villes, dans des contrées arides ou montueuses, et par-tout où le droit de parcours n’existe pas, qu’on peut se faire une juste idée des immenses ressources de la nature et de l’industrie pour nourrir en verd les bestiaux utiles.

Dans les vignobles, les femmes recherchent et emportent, pour nourrir leurs vaches plusieurs sortes d’herbes qu’ailleurs on dédaigne et on foule aux pieds, même quand il y a disette de fourrage, les chardons, carduus eriophorus, les séneçons, senecio vulgaris, les pâquerettes, bellis perennis, et plusieurs autres encore qui ne sont connues que par des noms vulgaires, composent ces charges d’herbe que chaque fois les vignerons et leurs femmes emportent pour nourrir leurs vaches.

Il ne faut pas croire que ces différentes herbes soient données indistinctement et sans préparations ; et il existe, à cet égard, une sorte d’industrie qui est digne de trouver place ici. Les uns se bornent à les laver ; d’autres les assortissent pour en faire des mélanges, — presque tous les font bouillir, non pour les faire cuire, mais seulement pour les attendrir ; d’autres, selon les qualités qu’ils ont jugées malfaisantes, jettent la première eau après une ébulli-