Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/495

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prennent garde de leur servitude : approchans par-là de la perfection des entièrement sauuages. En grand nombre aussi, la raison voulant que plus produise le grand que le petit lieu : duquel en outre vous tirerez abondance de menu bois de chauffage quand chaque année vous ferez couper du taillis par quartiers selon sa portée ; commodité non petite, comparée aux fumiers du colombier, pour, de même qu’eux, ce bois icy tenir lieu de seconde vtilité dans la garenne : suffisant moyen pour satisfaire aux frais de son entretien, les conils restans de liquide reuenu. Néantmoins, pour borner aucunement la garenne, je diray qu’elle sera de raisonnable grandeur pour la fourniture d’une bonne maison, si on y employé sept ou huict arpens de terres, trois ou quatre hectares, (consultez le mot Mesures dans le supplément), et telle garenne estant bien gouvernée et entretenue, rapportera par communes années, les deux cents douzaines de conils, et davantage.

» Reuenaut à cloison. Si le lieu et l’eau favorisent l’entreprise, nous la ferons d’eau viue, pour paruenir où nous désirons ; car, pourvu que le fossé soit fait comme il faut, et comme sera montré, l’eau estant dedans, les conils ne la pourront nullement traverser. D’ailleurs, ce sera dresser la garenne et le pescher tout ensemble, mettant du poisson dans le fossé, où il se nourrira et se multipliera très-bien : dont le ménage en sera d’autant plus à priser, que mieux tout d’une main l’on se sera accommodé de conils et de poissons. Les conils traverseront bien l’eau à la nage, mais ils ne pourront ressortir, si la riue extérieure du fossé, au respect de la garenne, est un peu releuée, et droitement taillée à plomb ; car les conils estant mouillez, ne peuvent presque rien remonter en haut. C’est pourquoy il sera besoin de façonner diversement les deux bords du fossé ; à scauoir celuy qui est joignant la garenne, eu douce pente, sans aucun releuement ; et l’autre de telle sorte qu’il ait le rivage taillé de la hauteur d’vn couple de pieds. Ainsi les conils croyant se sauver en nageant, seront contraints de s’en retourner d’où ils viennent, par la rencontre de la riue taillée sur leur issue ; quand mouillez ne pourront monter le bord du fossé pour en sortir. Tailler droitement les deux bords du fossé, seroit donner la mort asseurée aux conils, d’autant que sautans dans l’eau comme ils font ordinairement en ioüant, quelque basse qu’elle soit, si noyeront pour n’en pouuoir ressortir. Comme au contraire, ils auroyent la porte ouuerte pour s’enfuyr si les deux riues estoient en douce pente : ainsi ne faudroit pour ruiner la garenne dès son origine, que manquer en l’un ou en l’autre endroit. Il sera besoin de tenir réparées les ruines qui arrivent à ce bord de fossé droictement taillé, dont la terre, par sa propre pesanteur, s’éboule d’elle-même de jour à autre ; surtout au temps des gelées, afin que, par les bresches qui s’y font à cette occasion, les conils ne trouvent la porte des champs pour s’enfuyr.