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qui s’en nourriroit une qualité, un goût, une saveur très-remarquables. Quand vous creuserez un réservoir, donnez à ses bords une pente imperceptible. Non-seulement cette précaution empêchera l’éboulement des terres, mais les poissons que vous y mettrez auront plus de facilité pour frayer, pour paître l’herbe qui y croîtra, et pour saisir les insectes qui s’y réuniront en nombre infini. Quelle que soit sa forme et son étendue, gardez-vous de le peupler sitôt qu’il est creusé. Il est nécessaire, avant d’y introduire le poisson, et même d’y faire couler l’eau, que la terre reste exposée à l’air au moins pendant un an. Sans cette précaution de rigueur, vous vous exposeriez indubitablement à perdre votre poisson. On peut profiter de cette première année pour y semer de la graine de foin, qui donnera de la solidité à la terre des talus, et qui formera, dès la seconde année, une bonne nourriture au poisson.

Lorsqu’on prévoit un hiver long et dur, il faut s’occuper de prévenir les accidens dont le poisson seroit frappé pendant le séjour des glaces. Il mourroit de faim si on ne l’approvisionnoit d’avance. Remplissez un ou deux tonneaux, suivant la grandeur du réservoir, de terre glaise pétrie avec de l’orge, et assez battue pour se maintenir dans chaque tonneau, quoique défoncé par les deux bouts. Ces tonneaux descendent au fond-de l’eau ; et quand la glace les a recouvert, la carpe, la tanche, le poisson blanc, ne manquent pas d’en aller gratter la terre, et d’en avaler le grain, à mesure qu’il s’en sépare. Le poisson se conserve ainsi à l’abri de tout danger, quelque longue et quelque dure que soit la saison des gelées et des glaces.

En été, il ne faut pas négliger de jeter fréquemment dans le vivier des salades, des racines hachées, des morceaux de pain et des boulettes de pommes de terre, cuites et pétries avec des farines ou d’orge, ou de froment, ou de maïs, ou de sarrazin. Mieux on nourrit les poissons, plus leur chair est grasse et délicate. Si on veut entretenir des truites dans des viviers d’eau courante, ou du brochet dans l’eau dormante ou courante, il faut bien se garder de réunir ces espèces voraces avec les carpes et les tanches. Celles-ci seroient bientôt dévorées par les premières. Dans ce cas, on est indispensablement obligé de former dans le vivier plusieurs compartimens en claires-voies.

Olivier de Serres non moins ingénieux dans ses conceptions économiques, que profond dans les principes qui servent de base à sa doctrine agricole, nous a laissé la description d’un vivier formant la clôture d’une garenne. Cette réunion d’animaux si divers dans un si court espace et pouvant donner lieu à deux genres de récréations également agréables et utiles, la chasse et la pêche, nous a semblé mériter l’attention des propriétaires assez aisés dans leur fortune pour ne pas craindre de se livrer à l’exécution du plan qu’il propose.

« En coteau un peu relevé, dit-il,