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que les deux rangs de petites plaques qui sont au dessous de la queue. La vipère a les yeux très-vifs et garnis de paupières ; et comme si elle sentoit la puissance redoutable du venin qu’elle recèle, son regard paroît hardi ; ses yeux brillent, sur-tout quand on l’irrite ; et alors, non seulement ils s’animent encore, mais le reptile ouvrant sa gueule, darde sa langue qui est ordinairement grise, fendue en deux, et composée de deux petits cylindres charnus, adhérens l’un à l’autre jusque vers les deux tiers de leur longueur. L’animal l’agite avec tant de vitesse qu’elle étincelle, pour ainsi dire, et que la lumière qu’elle réfléchit la fait paroître comme une sorte de petit phosphore. On a regardé pendant long-temps cette langue comme une sorte de dard, dont la vipère se servoit pour percer sa proie : on a cru que c’étoit à l’extrémité de cette langue que résidoit son venin, et on l’a comparée à une flèche empoisonnée. Cette erreur est fondée sur ce que, toutes les fois que la vipère veut mordre, elle tire sa langue et la darde avec rapidité.

Le dessous du museau et l’entre-deux des yeux sont noirâtres ; et sur le sommet de la tête, deux taches allongées, placées obliquement, se réunissent à leur base et sous un angle aigu, ayant à peu près la forme d’un V. Cette marque, étant très-apparente, sert à faire distinguer, d’un coup d’œil, la vipère de la couleuvre. La tête de la première va en diminuant de largeur du côté du museau, où elle se termine en s’arrondissant, et les bords des mâchoires sont revêtus d’écailles plus grandes que celles du dos, et tachetées de blanchâtre et de noirâtre. Le nombre des dents varie suivant les individus ; et il est souvent de vingt huit dans la mâchoire supérieure, et de vingt-quatre dans l’inférieure ; mais toutes les vipères ont, de chaque côté de la mâchoire supérieure, fine ou deux et quelquefois trois ou quatre dents longues de huit ou neuf millimètres, blanches, diaphanes, crochues, très aiguës et très-mobiles. L’animal les incline ou les redresse à volonté. Communément elles sont couchées en arrière, le long de la mâchoire ; et alors la pointe ne paroît point ; mais lorsque la vipère veut mordre, elle les relève et les enfonce dans la plaie, en même-temps qu’elle y répand son venin. Ce poison est contenu dans une vésicule placée de chaque côté de la tête, au-dessous du muscle de la mâchoire supérieure. Le mouvement du muscle pressant cette vésicule, en fait sortir le venin qui arrive par un conduit à la base de la dent, traverse la gaine qui l’enveloppe, entre par la cavité de cette dent par le trou situé près de la base, en sort par celui qui est auprès de la pointe, et pénètre dans la blessure. Ce poison est la seule humeur malfaisante que renferme la vipère ; et c’est en vain qu’on a prétendu que l’espèce de bave, qui couvre ses mâchoires, lorsqu’elle est en fureur, est un venin plus ou moins dangereux ; l’abbé Fontana a démontré le contraire.