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Propriétés médicales et économiques du vinaigre.

Le vinaigre est d’un grand usage dans la vie ordinaire, comme l’assaisonnement piquant et agréable de beaucoup d’espèces d’alimens. Les arts l’emploient utilement, et d’une manière variée. Combien ne doit-on pas à cet acide de couleurs vives et de nuances brillantes ! mais c’est sur-tout en médecine qu’il est recommandable. Les praticiens les plus expérimentés l’ont placé au rang des remèdes les plus salutaires, administré intérieurement : on l’applique aussi à l’extérieur, seul ou combiné avec d’autres substances.

Les ordonnances de marine, qui prescrivent aux capitaines de vaisseaux de ne se mettre en mer qu’avec une provision considérable de vinaigre pour laver les ponts, entre-ponts et chambres, au moins deux fois par décade, de tremper dans cet acide les lettres écrites des pays suspectés de maladies contagieuses, prouvent assez que de tous les temps on a regardé le vinaigre comme le plus puissant prophylactique, l’antiputride le plus assuré. On sait que dans les hôpitaux il a obtenu, pour les purifier, la préférence sur les substances aromatiques ; mais c’est sur-tout en expansion comme tous les acides, dans l’état de gaz, qu’il forme des combinaisons avec les miasmes, qu’il les détruit, et rend à l’air dans lequel ils étoient comme dissous, sa pureté et son élasticité.

L’efficacité du vinaigre est surtout démontrée, lorsque, pour corriger l’air corrompu de» chambres où l’on tient les vers à soie, et les préserver des maladies, on en arrose le plancher à diverses reprises. Nous disons arroser, et non jeter sur une pelle rouge, comme cela se pratique journellement, pour chasser les mauvaises odeurs ; car c’est une erreur de croire que, décomposé et réduit ainsi en vapeurs, le vinaigre possède une pareille propriété ; il ne fait, comme les parfums, que surcharger l’air, diminuer son ressort, et rendre encore plus sensible l’odeur infecte qu’on avoit voulu enchaîner. Il faut donc éparpiller le vinaigre sur le sol des endroits qu’on a intention de désinfecter, ou l’exposer dans des vaisseaux à large orifice, et non le vaporiser par le feu.

Quand il règne des chaleurs excessives, les fermiers, qui comptent pour quelque chose la santé des moissonneurs, ajoutent du vinaigre à l’eau pour aciduler leur boisson. On fait avaler un peu de cet acide aux poissons d’eau douce dès que l’on craint qu’ils n’aient cette saveur de boue si désagréable ; enfin, uni au sucre et au miel, il forme des sirops dont voici le plus recherché.


Sirop de vinaigre.

Ce sirop est comme celui de groseille, qui, étendu dans une certaine quantité d’eau, offre une boisson rafraîchissante, et d’un goût très-agréable. On le prend avec plaisir dans les chaleurs de l’été ; il désaltère promptement, délicieusement, et à peu de frais. La préparation en est simple, d’une exécution facile ; et il n’y a