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Ceux qui voudront bien juger de la réalité des effets bizarres de la domesticité sur les chevaux, n’ont qu’à aller dans certaines prairies voisines de Paris, comme celles de Chelles, Chatou, l’Isle de la Seine à Saint-Denis, qui servent d’infirmerie habituelle aux chevaux de fiacre de cette ville. C’est là que les hommes qui s’occupent du progrès de l’agriculture, du perfectionnement des races de chevaux, pourront faire des observations utiles. Ils y verront réunis des chevaux de toutes les contrées de la France et de l’Europe ; ils remarqueront que tel cheval qui a brillé par sa haute taille, qui a constamment resté dans des écuries, souvent souterraines, où encore il étoit revêtu d’une couverture de laine, qui jamais n’a connu le bonheur de paître en liberté dans les prés, souffre et dépérit à côté du cheval bocager qui, dans ses premiers ans, fut élevé et nourri dans les herbages ; ils remarqueront que sur l’un, le verd ne produit aucun bon effet ; qu’il relâche excessivement les intestins ; que l’autre, au contraire, se ressentant de son éducation agreste, revient promptement en bon état, s’accoutume et brave bientôt la fraîcheur des nuits ; ils remarqueront que la plupart de ces chevaux efflanqués, pour lesquels c’est une souffrance que de se baisser pour paître, y contractent des rhumes qui dégénèrent en morve, ou d’autres maladies qu’ils n’auroient point eues, si on leur eût administré un verd analogue à leur conformation et à leur tempérament.

J’ai fait les mêmes remarques pour des vaches, particulièrement pour celles dites flamandes ; l’habitude de ne prendre leur nourriture qu’au râtelier, dès la plus tendre jeunesse, et jusqu’à un âge plus avancé, leur fait aussi contracter une telle roideur dans les muscles du col, que ce n’est qu’en éprouvant de la douleur qu’elles peuvent paître ; et celles qui s’y accoutument ne le font qu’avec efforts, en inclinant la bouche d’un côté.

Qu’on fasse attention à un troupeau de vaches qui restent constamment à l’écurie et à celles qui arrivent récemment d’un pays de bocage. La vache flamande, ou toute autre âgée, quand on l’envoie à l’abreuvoir (ou pour dire le mot juste, à la marre), y entre jusqu’aux genoux pour boire à son aise, tandis que la vache bocagère se mettra à boire dès l’entrée, si l’eau en est pure.

Il faut observer encore que ces vaches accoutumées à avaler une grande quantité d’alimens préparés, ayant fait contracter une vaste capacité à leurs intestins, il seroit impossible de trouver un herbage qui pût les nourrir, à moins que ce fût un trèfle ou luzerne, à la seconde coupe, ce qui seroit au moins très-imprudent.

D’après toutes ces considérations, il est donc plus économique et plus sage à tous égards, de leur donner le verd dans les écuries.

Depuis long-temps les nourrisseurs des environs de Paris ont résolu le problème économique, qu’avec 4 à 5 arpens de prairie ar-