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coûteuse, et que, d’ailleurs, le vinaigre perd nécessairement de son premier goût agréable, qu’on aime à trouver dans l’assaisonnement et les autres usages du vinaigre, il y a grande apparence qu’on ne se décidera point à adopter un moyen coûteux et destructeur de l’odeur.

Quatrième moyen. Le vinaigre employé aux usages économiques, est assez ordinairement foible, comparativement à celui qui provient des vins méridionaux. Ce défaut devient infiniment plus sensible quand on l’a encore affoibli par des plantes aromatiques. L’hiver est la saison qui offre le moyen de convertir en un vinaigre très-fort, du vinaigre ordinaire ; c’est de l’exposer suivant le procédé simple donné par Sthal, à une ou plusieurs gelées, dans des terrines de grès ; on enlève successivement les glaçons qui s’y forment, et qui ne contiennent que les parties les plus aqueuses, qu’on rejette ; mais ce procédé élève très-haut le prix du vinaigre, et les personnes peu aisées n’en feront aucun usage : cependant, on pourroit appliquer avec avantage l’action de la gelée à des vinaigres foibles, qui ne sont pas susceptibles de se garder.

Cinquième moyen. L’eau-de-vie, alkool, est l’un des puissans moyens pour conserver les vinaigres aromatiques. Le citoyen Demachy, dans son Art du vinaigrier, conseille à ceux qui forment des provisions de ce vinaigre, d’ajouter sur chaque livre de liqueur une demi-once au plus d’eau-de-vie. Cet esprit ardent rend l’union plus intime entre l’arôme et le vinaigre, et garantit celui-ci de l’accident de se décomposer, si, par hasard, les plantes qu’on y a mises fournissent trop de phlegme, malgré leur dessiccation préalable ; mais un autre effet de l’alkool sur le vinaigre, c’est de fournir des élémens nécessaires à l’acidification, qui continue dans le vinaigre, à peu près comme quand on ajoute de temps en temps du vin au vinaigre perpétuel.

Sixième moyen. Le sel marin, (muriate de soude) qu’on conseille encore d’ajouter au vinaigre, et sur-tout aux vinaigres composés, pour prévenir leur détérioration, n’opère cet effet qu’en s’emparant de l’eau qu’il contient, et en la mettant dans l’impuissance d’agir sur les différentes substances mêlées avec l’acide acétique, comme elle agiroit nécessairement si elle étoit libre ; cependant, il ne faut pas croire que cet effet puisse être durable, puisqu’il est prouvé qu’à la longue, le vinaigre auquel on a ajouté du sel, finit aussi par s’altérer, en présentant cependant dans sa décomposition des phénomènes différens de ceux qui ont toujours lieu quand le vinaigre n’a point été salé ; au reste, il seroit peut-être utile de s’assurer, par des expériences exactes, de la quantité de sel qu’il conviendroit d’ajouter à chaque espèce de vinaigre, en supposant que cette addition pût en prolonger la durée ; car toutes ne contenant pas une quantité égale d’eau, il seroit superflu d’en employer toujours dans la même proportion.