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Vinaigre avec le son de froment.

L’eau sûre qui se forme pour détruire la portion d’amidon que la meule et le blutage n’en ont pu enlever ; cette eau, que d’autres ouvriers préparent en délayant du son dans l’eau, est évidemment très-acide, et n’auroit besoin, pour tenir lieu de vinaigre de vin, que d’être plus concentré.

On prend du son de froment, et à son défaut celui de seigle ; on en fait une décoction avec de l’eau de rivière, que l’on a soin de passer, pour en séparer toute la partie corticale. On en remplit un tonneau ; on y délaie ensuite un levain de huit jours, et la fermentation s’établit en moins de vingt-quatre heures. Lorsqu’on s’aperçoit que l’écume qui sort par le bondon commence à s’affaisser, on bouche exactement le tonneau ; on laisse déposer la liqueur pendant quelques jours, pour lui donner le temps de s’éclaircir. Lorsqu’on a pris quelques précautions pour ne laisser contracter aucune mauvaise odeur au son, cette liqueur est assez agréable, et sa saveur est vineuse, tirant sur l’aigre ; c’est enfin la limonade des habitans de la campagne, lorsque, la saison et les travaux demandent l’usage d’une boisson désaltérante.


Du verjus.

Si le hasard est la cause vraisemblable de l’art de convertir en vinaigre les vins qu’on remarquoit tourner à l’aigre, la simple observation a dû, long-temps avant qu’on perfectionnât l’art du vinaigrier, apprendre que certains fruits ou conservent une saveur aigrelette agréable, ou la possèdent avant d’acquérir leur parfaite maturité. Les groseilles, l’épine-vinette, et sur-tout le raisin, avant de tourner, ont ce goût acide.

Parmi les espèces de raisins cultivées, il en est une qui ne parvient jamais, dans nos climats, qu’à une maturité imparfaite ; on la nomme verjus. Elle est choisie de préférence pour fournir son suc, et voici comment

Quoique le verjus ne puisse être considéré à la rigueur comme un véritable vinaigre, puisqu’il n’est pas le produit de la fermentation acéteuse, c’est un acide malique plus ou moins pur que la pression sépare des raisins encore verts et qu’on sait dépurer par un léger mouvement de fermentation vineuse.

Il n’est pas difficile à faire ; il s’agit seulement de prendre le raisin qui porte ordinairement ce nom, de l’écraser avant sa maturité et de le laisser ainsi fermenter, dans un vaisseau à découvert, environ trois décades ; après, on exprime le suc par le moyen d’une presse ; on le laisse se dépurer pendant vingt-quatre heures ; on le filtre à travers le papier et on le conserve pour les différens usages, en mettant une couche d’huile par dessus.

On fait avec le verjus plusieurs mets assez recherchés. Ils portent son nom. Si on a laissé le verjus exposé au soleil, sur plusieurs assiettes, jusqu’à ce qu’il soit desséché, et que l’extrait qui en résulte, soit conservé dans des bou-