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raine, L. I. Sect. 5, chap. 2, N°. 138, qu’on n’obtenoit qu’un vinaigre foible et imparfait, lorsque par une coction lente on faisoit évaporer l’esprit du vin qu’on vouloit changer en vinaigre.

Il est donc facile de concevoir que toute liqueur qui a subi complettement la fermentation spiritueuse doit nécessairement passer d’elle-même à la fermentation acéteuse, si elle se trouve dans les circonstances qui déterminent cette dernière. On sentira également que la manière de disposer et de conduire cette opération doit beaucoup influer sur la qualité du résultat.

Boerrhaave a décrit un procédé très-bon pour faire promptement le vinaigre : il consiste à mêler le vin avec sa lie et son tartre, et à le verser dans deux cuves placées dans un lieu dont la température soit élevée de seize à dix-huit degrés au moins ; à un pied ou environ du fond de ces cuves, on place deux claies, sur lesquelles on met un lit de branches de vigne vertes, et par-dessus, des rafles de raisins, jusqu’à la hauteur des cuves. On distribue inégalement la liqueur dans ces deux vaisseaux, de manière que l’un soit plein, tandis que l’autre ne l’est qu’à moitié. Dans l’intervalle de deux à trois jours, la fermentation s’établit dans la cuve demi-pleine. On la laissé aller pendant vingt-quatre heures, après quoi on remplit cette cuve avec la liqueur de la cuve pleine. La fermentation se développe alors dans cette dernière ; on la modère également au bout de vingt-quatre heures, en la remplissant avec la liqueur de l’autre cuve, et on répète ce changement toutes les vingt-quatre heures, jusqu’à ce que la fermentation soit achevée, ce que l’on reconnoît à la cessation du mouvement dans la cuve demi pleine ; car, c’est dans cette dernière que se fait la combinaison des principes qui constituent le vinaigre.

La théorie du changement du vin en vinaigre, par ce procédé, est très-aisée à développer, d’après les observations de Guyton Morveau. En général, dit-il, le vin passe d’autant plus vite à l’état de vinaigre, que la masse est plus petite, qu’elle est plus en contact avec l’air, et qu’elle éprouve plus de chaleur, pourvu cependant que cette chaleur ne soit pas portée à un degré capable de décomposer et de détruire plutôt que de favoriser le mouvement spontané. La pile de rafles et de rameaux qui demeure exposée à l’air dans le tonneau à moitié vuide, présente une grande surface à ce fluide ; la liqueur qui reste adhérente à ces rameaux s’en imprègne par excès ; et de-là vient la chaleur qu’elle éprouve, qu’elle communique d’abord à la masse intérieure, et qui se répartit ensuite sur toute celle qu’on y ajoute, quand on juge qu’il est tems de remplir le tonneau.

Cependant on ne peut se dissimuler que si ce procédé a l’avantage de procurer plus promptement le changement du vin en vinaigre, il n’ait aussi l’inconvénient de dissiper un peu des parties spi-