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fixe, on s’empare de cet acide, on ne pourra retirer que très-peu d’alkool par la distillation ; et, dans tous ces cas, l’eau-de-vie prend un goût de feu désagréable, ce qui ne contribue pas à en améliorer la qualité.

La différence des eaux-de-vie, provenant de la distillation des divers vins, dépend donc principalement de la différente proportion dans laquelle l’acide malique est contenu dans ces vins, et l’on n’a pas encore un moyen sûr de détruire le mauvais effet que produit cet acide par son mélange avec les eaux-de-vie.

Cet acide, que nous trouvons dans le raisin, a tous les périodes de son accroissement, et qui ne disparoît dans le vin que du moment qu’il a dégénéré completement en vinaigre, mériteroit de préférence la dénomination d’acide vineux ; néanmoins, pour ne pas innover, nous lui conserverons celle d’acide malique.

2°. L’alkool. L’alkool fait le vrai caractère du vin. Il est le produit de la décomposition du sucre ; et sa quantité est toujours en proportion de celle du sucre qui a été décomposé[1].

L’alkool est donc plus ou moins abondant dans les vins. Ceux des climats chauds en fournissent beaucoup ; ceux des climats froids n’en donnent presque pas. Les raisins mûrs et sucrés le produisent en abondance, tandis que les vins provenant de raisins verts, aqueux et peu sucrés, en présentent très-peu.

Il est des vins dans le midi qui

  1. Je n’agiterai pas la question de savoir si l’alkool est tout formé dans le vin, ou s’il est le produit de la distillation, ou, en d’autres termes, s’il est le résultat de la fermentation, on celui de la distillation. Fabroni a adopté ce dernier sentiment, et s’est fondé sur ce que, ayant mêlé un centième d’alkool à du vin nouveau, il n’y a pu séparer, à l’aide de la potasse, que cette même quantité d’alkool. Mais cette expérience me paroîtroit prouver tout au plus que l’alkool étranger qu’on ajoute au vin, n’entre pas dans une combinaison aussi exacte que celui qui y existe naturellement ; il y reste dans un simple état de mélange. Nous observons un phénomène analogue, lorsque nous délayons l’alkool très-concentré par l’addition d’une quantité plus ou moins considérable d’eau ; car il est connu dans le commerce que cet alkool affoibli, n’a pas le même goût que l’alkool naturel, qui marque néanmoins le même degré de spirituosité. Je Considère donc l’alkool dans le vin, non point comme y existant isolément et dégagé de toute combinaison, mais comme combiné avec le principe colorant, le carbone, l’alkali, l’extractif et tous autres principes constituans du vin ; de manière que le vin est un tout sur-composé, dont tous les élémens peuvent être extraits par des moyens chimiques ; et lorsque, par l’application de la chaleur, on tend à séparer ces mêmes principes, les plus volatils s’élèvent les premiers, et l’on voit passer d’abord un composé très-léger formant l’alkool, ensuite l’eau, etc.

    La distillation, en extrayant successivement tous les principes du vin, d’après les lois invariables de leur pesanteur et de leurs affinités, rompt et détruit la combinaison primitive qui constitue le vin, et présente des produits qui, réunis, ne sauroient reproduire le corps primitif, parce que la chaleur a tout désuni, et