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sans doute que la presque totalité des vins du Nord auroit perdu ses propriétés les plus précieuses, si l’on tardoit à décuver jusqu’à l’apparition de ce signe.

Nous voyons des pays où l’on juge que la fermentation est faite lorsqu’après avoir reçu le vin dans un verre, on n’aperçoit plus ni mousse à la surface ni bulles sur les parois du vase. Ailleurs, ou se contente d’agiter le vin dans une bouteille ou de le transvaser à plusieurs reprises dans des verres pour s’assurer s’il existe encore de la mousse. Mais, outre qu’il n’y a pas de vins nouveaux qui ne donnent plus ou moins d’écume, il en est beaucoup dans lesquels on doit conserver ce reste d’effervescence, pour ne pas perdre une de leurs principales propriétés.

Il est des pays où l’on enfonce un bâton dans la cuve ; on le retire promptement, et on laisse couler le vin dans un verre où l’on examine s’il fait un cercle d’écume, s’il fait la roue.

D’autres enfoncent la main dans le marc, la portent au nez, et jugent, à l’odeur, de l’état de la cuve : si l’odeur est douce, on laissé fermenter ; si elle est forte, on décuve.

Nous trouvons encore des agriculteurs qui ne consultent que la couleur pour se régler sur le moment du décuvage ; ils laissent fermenter jusqu’à ce que la couleur soit suffisamment foncée. Mais la coloration dépend de la nature du raisin ; et le moût, sous le même climat et dans le même sol, ne présente pas toujours la même disposition à se colorer ; ce qui rend ce signe peu constant et très-insuffisant.

Il s’ensuit que tous ces signes pris isolément, ne sauroient offrir des résultats invariables, et qu’il faut en revenir aux principes si l’on veut s’appuyer sur des bases fixes.

Le but de la fermentation est de décomposer le principe sucré ; il faut donc qu’elle soit d’autant plus vive, ou d’autant plus longue que ce principe est plus abondant.

Un des effets inséparables de la fermentation, c’est de produire de la chaleur et du gaz acide carbonique. Le premier de ces résultats tend à volatiliser et à faire dissiper le parfum ou bouquet qui fait un des principaux caractères de certains vins. Le second entraîne au-dehors et fait perdre dans les airs un fluide qui, retenu dans la boisson, peut la rendre plus agréable et plus piquante. Il suit de ces principes que les vins foibles, mais agréablement parfumés, exigent peu de fermentation, et que les vins blancs dont la principale propriété est d’être mousseux ne doivent presque pas séjourner dans la cuve.

Le produit le plus immédiat de la fermentation, c’est la formation de l’alkool ; il résulte immédiatement de la décomposition du sucre : ainsi, lorsqu’on opère sur des raisins très-sucrés, tels que ceux du Midi, la fermentation doit être vive et prolongée parce que ces vins, destinés pour 1# distillation, doivent produire de suite tout l’alkool qui peut résulter de la decom-