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dépérir et à perdre leur poil ; il faut avoir le soin de détendre le pis en exprimant du lait, et de le laver avec une eau exposée au soleil, ou dans laquelle on aura promené la main pendant quelques instans. Sans cette attention, on court le risque de refroidir le pis, de diminuer les sources du lait et de rendre encore l’allaitement très douloureux.

Il est un autre soin commun à toutes les jumens pleines mises au verd, c’est de ne jamais leur faire passer les nuits alternativement dans les champs et dans les étables.

À la fin de la belle saison, les gelées blanches les feroient infailliblement avorter : il est donc bien essentiel, quand une fois les jumens sont au verd, de les laisser coucher constamment dans le pâturage : et si, par quelques circonstances imprévues, l’une d’elles couchoit à l’écurie, il faudra bien faire attention à l’état de la température ; les cultivateurs de ces contrées prétendent que le terme de neuf jours suffit pour réaccoutumer sans danger une jument pleine au froid des nuits : ce nombre neuf peut bien être un préjugé ; mais c’est un de ces cas où il faut en quelque sorte que la science respecte le préjugé, puisqu’elle n’a pas donné la preuve contraire, ni désigné un terme plus ou moins long.

Presque tous les cultivateurs de ces contrées attribuent à la saignée des jumens poulinières qu’on met au verd, des dispositions favorables à la fécondité : l’expérience semble en justifier les effets ; ils s’accordent au surplus avec les précautions qu’on prend pour d’autres femelles et pour les mêmes fins, — cependant, sur un tel sujet, je me borne à être l’historien de ces cultivateurs, dont l’expérience justifie bien l’opinion par les nombreux élèves qu’ils font chaque année dans leurs haras respectifs.

La mise au verd de ces jumens m’offre encore l’occasion de soumettre à l’examen et aux observations du cultivateur et des physiciens agronomes, un fait singulier et important. Ces cultivateurs encore sont fortement persuadés que pour bien assurer la fécondité des jumens poulinières, il faut que l’étalon observe le même régime qu’elles, c’est-à-dire, que si les jumens poulinières sont au verd, il faut que l’étalon y soit aussi ; ils pensent encore, et avec raison, que pour cela, l’étalon et les jumens doivent être libres ; et ils attribuent beaucoup moins d’influence pour cet acte, à la bonne nourriture qu’on peut donner à l’écurie pour échauffer les sens, accroître l’ardeur et les forces, qu’à la nourriture prise dans les champs, quand l’herbe a acquis une bienfaisante substance, et pour me servir de leur expression, quand l’herbe du champ rend amoureux.

Je ne me permettrai pas de prononcer pour une telle opinion, et sur de tels effets qu’il n’est pas donné à la sagacité humaine de pénétrer et d’expliquer ; mais si j’avois comme cultivateur une opinion à émettre pour et contre, elle seroit conforme à celle des culti-