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tification, une odeur de gaz hydrogène sulfuré qui provient de la décomposition de l’acide sulfurique lui-même. Cette expérience prouve suffisamment que le gaz acide carbonique entraîne avec lui de l’alkool et un peu de principe extractif ; et que ces deux principes nécessaires à la formation de l’acide acéteux, en se décomposant ensuite par le contact de l’air atmosphérique, produisent l’acide acéteux.

Mais l’alkool est-il dissout dans le gaz ou se volatilise-t-il par le seul fait de la chaleur ? On ne peut décider cette question que par des expériences directes. D. Gentil avoit observé, en 1779, que, si on renversoit une cloche de verre sur le chapeau de la vendange en fermentation, les parois intérieures se remplissoient de gouttes d’un liquide qui avoit l’odeur et les propriétés du premier phlegme qui passe lorsqu’on distille l’eau-de-vie. Humboldt a prouvé que, si l’on reçoit la mousse de Champagne sous des cloches dans l’appareil des gaz, et qu’on les entoure de glace, il se précipite de l’alkool sur les parois par la seule impression du froid. Il paroit donc que l’alkool est dissous dans le gaz acide carbonique ; et c’est cette substance qui communique au gaz vineux une portion des propriétés qu’il a. Il n’est personne qui ne sente, par l’impression même que fait sur nos organes la mousse du vin de Champagne, combien cette matière gazeuze est modifiée et diffère de l’acide carbonique pur.

Ce n’est pas le moût le plus sucré qui fournit le plus d’acide gazeux ; et ce n’est pas lui non plus qu’on emploie pour fabriquer ordinairement des vins mousseux. Si l’on suffoquoit la fermentation de cette espèce de raisins en l’enfermant dans des tonneaux on bouteilles pour lui conserver le gaz qui se dégage, le principe sucré qui y abonde, ne seroit pas décomposé, et le vin en seroit doux, liquoreux, pâteux, désagréable. Il est des vins dont presque tout l’alkool est dissout dans le principe gazeux : celui de Champagne nous en fournit une preuve.

Il est difficile d’obtenir du vin à-la-fois rouge et mousseux, attendu que, pour pouvoir le colorer, il faut le laisser fermenter sur le marc, et que, par cela même, le gaz acide se dissipe.

Il est des vins dont la fermentation lente se continue pendant plusieurs mois : ceux-ci mis à propos dans des bouteilles deviennent mousseux. Il n’est même à la rigueur que cette nature de vins qui puisse acquérir cette propriété : ceux dont la fermentation est naturellement tumultueuse terminent trop promptement leur travail, et briseroient les vases dans lesquels on essayeroit de les renfermer.

Ce gaz acide est dangereux à respirer : tous les animaux qui s’exposent imprudemment dans son atmosphère y sont suffoqués. Ces tristes événemens sont à craindre, lorsqu’on fait fermenter la vendange dans des lieux bas et où l’air n’est pas renouvellé. Ce fluide gazeux déplace l’air atmosphérique, et finit par occuper tout l’intérieur