Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/384

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le raisin jouit encore d’un principe acerbe qui donne une qualité toute particulière au vin. On a observé, dans tous ces endroits, qu’un degré de plus vers la maturité produit un vin de qualité très-inférieure.

7°. Lorsque le raisin est coupé, on doit le mettre dans des paniers et avoir l’attention de ne pas les employer d’une trop grande capacité pour éviter que les raisins ne se tassent et que le suc ne coule à pure perte. Néanmoins, comme il est bien difficile que le raisin soit transporté de la vigne dans la cuve, sans l’altérer par la pression, et conséquemment sans l’exprimer plus ou moins, on ne doit se servir du panier que pour recevoir les raisins à mesure qu’on les coupe ; et dès qu’il est plein, on doit le vider dans un baquet ou une hotte, pour en effectuer commodément le transport jusqu’à la cuve. Ce transport se fait sur charrette, à dos d’homme, ou à dos de mulet : les localités décident de l’emploi de l’un ou l’autre de ces trois moyens. La charrette, plus économique sans doute, a l’inconvénient de fouler les raisins par une suite nécessaire des secousses qu’elle éprouve ; le mouvement du cheval est plus doux, plus régulier et ne fatigue pas sensiblement la vendange ; la hotte est employée dans tous les pays où le raisin est peu mûr, et ne risque pas de s’écraser.


CHAPITRE III.

Des moyens de disposer le raisin à la fermentation.

Le < raisin mûr pourrit sur le cep ; et nous pouvons regarder, comme un pur effet de l’art, la faculté de convertir le suc doux et sucré de ce fruit en une liqueur spiritueuse : c’est par la fermentation de ce suc exprimé que s’opère ce changement. La manière de disposer les raisins à la fermentation varie dans les divers pays : mais, comme les différences apportées dans une opération aussi essentielle, reposent sur des principes, j’ai cru convenable de les faire connoître.

Pline (de bieo vino apud grœcos clarissimo) nous apprend qu’on cueilloit le raisin un peu avant la maturité ; qu’on le séchoit à un soleil ardent, pendant trois jours, eu le retournant trois fois par jour, et que le quatrième on l’exprimoit.

En Espagne, sur-tout dans les environs de Saint-Lucar, on laisse les raisins exposés pendant deux jours à toute l’ardeur du soleil.

En Lorraine, dans une partie de l’Italie, dans la Calabre, et l’île de Chypre, on sèche les raisins avant de les presser. C’est, sur-tout, lorsqu’on se propose de fabriquer des vins blancs, liquoreux, qu’on dessèche le raisin pour en épaissir le suc et modérer par là la fermentation.

Il paroît que les anciens connoissoient non seulement l’art de dessécher les raisins au soleil, mais qu’ils n’ignoroient pas le procédé