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d’Agde et de Béziers. Ces réflexions nous confirment encore dans l’idée que chaque localité doit avoir des procédés propres, qu’il est toujours dangereux d’ériger en principes généraux.

Mourgues a consigné une observation dans les journaux de physique, qui établit la nécessité, dans plusieurs cas, de vendanger en deux tems : en 1773, les vins furent très-verts en Languedoc, parce qu’un vent d’est très-violent et très-humide qui souffla les 12, 13 et 14 juin fit couler la vigne qui étoit en fleur ; les brouillards qui survinrent les 16 et 17, et la chaleur qui leur succédoit, dès les sept heures du matin, finirent par des sécher et brûler la fleur fatiguée ou rompue. Les vents chauds qui régnèrent à la fin de juin firent sortir une infinité de nouveaux raisins : la vendange fut faite du 8 au 15 octobre ; la fermentation fut prompte et vive, mais de courte durée ; le vin fut vert et peu abondant. Le volume ne rendoit pas. Ou eut obvié à cette mauvaise récolte en triant le raisin et vendangeant en deux reprises.

Lorsqu’il est question de trier les raisins mûrs, on peut généralement se conduire d’après les principes suivans : ne couper que les raisins les mieux exposés, ceux dont les grains sont également gros et colorés ; rejetter tout ce qui est abrité et près de la terre ; préférer les raisins mûris à la base des sarmens, etc.

Dans les vignobles qui fournissent les diverses qualités de vins de Bordeaux, on trie les raisins avec soin ; mais la manière de trier les raisins rouges diffère de celle qu’on suit pour trier les raisins blancs : dans les tris des rouges on ne ramasse les grains ni pourris ni verts : dans celles des blancs, on ramasse le pourri et le plus mûr ; et les tris ne se recommencent que quand il y a beaucoup de grains pourris. Cette opération est tellement minutieuse dans certains cantons, tels que Sainte-Croix, Loupiac, etc., que les vendanges y durent jusqu’à deux mois. Dans le Médoc on fait deux tris pour les vins rouges ; à Langon, on en fait trois ou quatre pour le raisin blanc ; à Sainte-Croix, cinq à six ; à Langoirau, deux à trois, et deux dans tous les Graves. C’est ce qui résulte des renseignemens qui m’ont été fournis par le citoyen, Labadie.

Dans quelques pays on redoute une vendange composée de raisins parfaitement mûrs. On craint alors que le vin ne soit trop doux ; et on y remédie en y mêlant de gros raisins moins mûrs. En général le vin n’est mousseux et piquant que lorsqu’on travaille des raisins qui n’ont pas acquis une maturité entière ; c’est ce qu’on pratique dans la Champagne et ailleurs.

Il est encore des pays ou le raisin ne parvenant jamais à une maturité absolue, et ne pouvant par conséquent développer cette portion de principe sucré, nécessaire à la formation de l’alkool, on procède à la vendange avant même l’apparition des frimats, parce que