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chaleur s’exerce sur une terre desséchée, car dans ce cas, elle brûle plutôt qu’elle ne vivifie. Le bon état d’une vigne, la bonne qualité du raisin dépendent donc d’une juste proportion, d’un équilibre parfait entre l’eau qui doit fournir l’aliment à la plante et la chaleur qui seule peut en faciliter l’élaboration.


Art. V.

Du vin considéré par rapport à la culture.

Dans la Floride, en Amérique et dans presque toutes les parties du Pérou, la vigne croît naturellement. Dans le Midi même de la France, les haies sont presque toutes garnies de vignes sauvages ; le raisin en est toujours plus petit ; et quoiqu’il parvienne à maturité, il n’a jamais le goût exquis que possède le raisin cultivé. La vigne est donc l’ouvrage de la nature, mais l’art en a dénaturé le produit en en perfectionnant la culture.

La différence qui existe aujourd’hui entre la vigne cultivée et la vigne sauvage est la même que celle que l’art a établie entre les légumes de nos jardins et quelques uns de ces mêmes légumes croissant au hasard dans les champs.

Cependant la culture de la vigne a ses règles comme elle a ses bornes. Le terrein où elle croît demande beaucoup de soin ; il veut être souvent remué, mais il refuse des engrais nécessaires à d’autres plantations. Il est à noter que toutes les causes qui concourent puissamment à activer la végétation de la vigne, altèrent la qualité du raisin ; et ici, comme dans d’autres cas, assez rares, la culture doit être dirigée de telle manière que la plante reçoive une nourriture très-maigre si l’on désire un raisin de bonne qualité. Le célèbre Olivier de Serres, nous dit à ce sujet que par décret public, le fumier est défendu à Gaillac, de peur de ravaller la réputation de leurs vins blancs, desquels ils fournissent leurs voisins de Tolose, de Montauban, de Castres et autres ; et par ce moyen, se priver de bons deniers qu’ils en tirent, où consiste le plus liquide de leur revenu.

Il est cependant des particuliers qui, pour avoir une plus abondante récolte, fument leurs vignes : ceux-ci sacrifient la qualité à la quantité. Tous ces calculs d’intérêt ou de spéculation appartiennent aux seuls propriétaires. Les élémens du calcul dérivent presque tous de circonstances, de conditions, de particularités, de positions inconnues à l’historien ; et, par conséquent, il lui est impossible, il seroit au moins téméraire de juger ses résultats. Il nous a suffi de connoître le principe ; c’est à l’agriculteur à faire entrer ces données dans sa conduite.

Le fumier qui paroît le plus favorable à l’engrais de la vigne, est celui de pigeon ou de volaille : on rejette avec soin les fumiers puants et trop pourris, attendu que l’observation a prouvé que le vin en contractoit souvent un goût fort désagréable.

Dans les îles d’Oléron et de Ré, on fume la vigne avec le varec :