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dant, et on le destine d’avance (au moins dans le midi) à la distillation, parce qu’il seroit à la fois difficile à conserver et désagréable à boire.

Les pluies qui surviennent à l’époque ou aux approches de la vendange, sont toujours les plus dangereuses ; alors le raisin n’a plus assez de temps ni assez de force pour en élaborer les sucs ; ils se remplit et ne présente plus à la fermentation qu’un fluide très liquide qui tient en dissolution une trop petite quantité de sucre, pour que le produit de la décomposition soit fort et spiritueux.

Les pluies qui tombent dans les premiers momens de l’accroissement du raisin lui sont très-favorables : elles fournissent à l’organisation du végétal l’aliment principal de la nutrition ; et si une chaleur soutenue vient ensuite en faciliter l’élaboration, la qualité du raisin ne peut qu’être parfaite.

Les vents sont constamment préjudiciables à la vigne ; ils dessèchent les tiges, les raisins et le sol ; ils produisent, sur-tout dans les terres fortes, une couche dure et compacte qui s’oppose au passage libre de l’air et de l’eau, et entretiennent par ce moyen, autour de la racine, une humidité putride qui tend à la corrompre. Aussi les agriculteurs évitent-ils avec soin de planter la vigne dans des terrains exposés aux vents ; ils préfèrent des lieux tranquilles, bien abrités, où la plante ne reçoive que l’influence bénigne de l’astre vers lequel on la tourne.

Les brouillards sont encore très dangereux pour la vigne ; ils sont mortels pour la fleur, et nuisent essentiellement au raisin. Outre des miasmes putrides que les météores déposent trop souvent sur les productions des champs, ils ont toujours l’inconvénient d’humecter les surfaces, et d’y former une couche d’eau d’autant plus aisément évaporable, que l’intérieur de la plante et la terre ne sont pas humectés dans la même proportion ; de manière que les rayons du soleil, tombant sur cette couche légère d’humidité, évaporent en un instant ; et au sentiment de fraîcheur déterminé par cet acte de l’évaporation, succède une chaleur d’autant plus nuisible que le passage a été brusque. Il arrive encore assez souvent que des nuages suspendus dans les airs, en concentrant les rayons du soleil, les dirigent vers des points de la vigne qui en sont brûlés. On voit encore dans les climats brùlans du midi, que quelquefois la chaleur naturelle du soleil, fortifiée par l’effet de la réverbération de certaines roches ou terrains blanchâtres, dessèche les raisins qui y sont exposés.

Quoique la chaleur soit nécessaire pour mûrir, sucrer et parfumer le raisin, ce seroit une erreur de croire que, par sa seule action, elle peut produire tous les effets désirables. On ne peut la considérer que comme un mode nécessaire d’élaboration, ce qui suppose que la terre est suffisamment pourvue des sucs qui doivent fournir à son travail. Il faut de la chaleur, mais il ne faut pas que cette