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Mais il est des terrains plus favorables encore à la vigne : ce sont ceux qui sont à la fois légers et caillouteux ; la racine se glisse aisément dans un sol que le mélange d’une terre légère, et d’un caillou arrondi, rend très-perméable ; la couche de galets qui couvre la surface de la terre la défend de l’ardeur desséchante du soleil ; et, tandis que la tige et le raisin reçoivent la bénigne influence de cet astre, la racine, convenablement abreuvée, fournit les sucs nécessaires au travail de la végétation. Ce sont des terrains de cette nature qu’on appelle, dans divers pays, terrains caillouteux, pays de grès, vignobles pierreux, sablonneux, etc.

Les terres volcanisées nourrissent encore des vins délicieux. J’ai eu occasion d’observer que, dans plusieurs points du midi de la France, les vignes les plus vigoureuses, les vins les plus capiteux, étoient le produit des débris des volcans. Ces terres vierges, longtemps travaillées dans le sein du globe par des feux souterrains, nous présentent un mélange intime de presque tous les principes terreux ; leur tissu, à demi vitrifié, décomposé par l’action combinée de l’air et du feu, fournit tous les élémens d’une bonne végétation ; et le feu, dont ces terres ont été imprégnées, paroît passer successivement dans toutes les plantes qui leur sont confiées. Les vins de Tockai, et les meilleurs vins d’Italie, se récoltent dans des terrains volcaniques ; le dernier évêque d’Agde a défriché et planté en vignes le vieux volcan de la montagne au pied de laquelle cette ville antique est située. Ces plantations forment, en ce moment, un des plus riches vignobles du canton.

Il est des points, sur la surface très-variée de notre globe, où le granit ne présente pas cette dureté, cette inaltérabilité qui font en général le caractère de cette roche primitive ; il y est pulvérulent, et n’offre à l’œil qu’un sable sec plus ou moins grossier : c’est dans ces débris que, sur plusieurs points de la France, on cultive la vigne : et, lorsqu’une exposition favorable concourt à en aider l’accroissement, le vin y est de qualité supérieure. Le fameux vin de l’Hermitage se récolte dans de semblables débris. Il est aisé de juger, d’après les principes que nous avons posés, qu’un sol, tel que celui qui nous occupe en ce moment, ne peut qu’être favorable à la formation d’un bon vin : ici nous trouvons à la fois cette légèreté de terrain qui permet aux racines de s’étendre, à l’eau de s’infiltrer, à l’air de pénétrer ; cette croûte caillouteuse qui modère et arrête les feux du soleil ; ce mélange précieux d’élémens terreux dont la composition paroît si avantageuse à toute espèce de végétation.

Ainsi l’agriculteur, plus jaloux d’obtenir une bonne qualité qu’une grande abondance de vin, établira son vignoble dans des terrains légers et caillouteux, et il ne se déterminera pour un sol gras et fé-