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il ne s’agit que de ne pas intervertir l’ordre naturel, et d’appliquer à chaque lieu la culture qui lui convient pour obtenir presque par-tout des récoltes, fécondes et variées.

Nec vero terrøæ ferre omnes omnia possunt ;
Nascuntur steriles saxosis montibus orni ;
Littora myrthétis lœtissima : denique apertos
Bacchus amat Colles…

Les terres fortes et argileuses ne sont pas du tout propres à la culture de la vigne : non-seulement les racines ne peuvent pas s’étendre et se ramifier convenablement dans ce sol gras et serré, mais la facilité avec laquelle ces couches se pénètrent d’eau, l’opiniâtreté avec laquelle elles la retiennent, nourrissent un état permanent d’humidité qui pourrit la racine, et donne à tous les individus de la vigne, des symptômes de souffrance qui en assurent bientôt la destruction.

Il est des terres fortes qui ne partagent pas les qualités nuisibles qui appartiennent aux terrains argileux dont nous venons de parler. Ici la vigne croît et végète librement ; mais cette force même de la végétation nuit encore essentiellement à la bonne qualité du raisin, qui parvient difficilement à maturité, et fournit un vin qui n’a ni esprit, ni parfum. Néanmoins ces sortes de terrains sont quelquefois consacrés à la vigne, parce que l’abondance supplée à la qualité, et que très-souvent il est plus avantageux à l’agriculteur de cultiver en vigne que de semer des grains. D’ailleurs, ces vins foibles, mais abondans, fournissent une boisson convenable aux travailleurs de toutes les classes, et présentent de l’avantage pour la distillation, attendu qu’ils exigent peu de culture, et que la quantité supplée essentiellement à la qualité.

Il est encore connu de tous les agriculteurs, que les terrains humides ne sont pas propres à la culture de la vigne. Si le sol, sans cesse humecté, est de nature grasse, la plante y languit, se pourrit, et meurt, si au contraire le terrain est ouvert, léger, et calcaire, la végétation peut y être belle et vigoureuse, mais le vin qui en proviendra ne peut manquer d’être aqueux, foible, et sans parfum.

Le terrain calcaire est, en général, propre à la vigne : aride, sec et léger, il présente un support convenable à la plante ; l’eau, dont il s’imprègne par intervalles, circule et pénètre librement dans toute la couche ; les nombreuses ramifications des racines la pompent par tous les pores ; et, sous tous ces rapports, le sol calcaire est très-favorable à la vigne. En général, les vins récoltés sur le calcaire sont spiritueux, et la culture y est d’autant plus facile, que la terre y est légère et peu liée. D’ailleurs, il est à observer que ces terrains arides paroissent exclusivement destinés pour la vigne ; le manque d’eau, de terre végétale, et d’engrais, repousse jusqu’à l’idée de toute autre culture.