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bours, ou à des charrois faciles.

Les travaux de ces fermes, pour l’ordinaire, se font concurremment avec des bœufs, auxquels on réserve les premiers labours et les défrichemens. Tant que les jumens ne travaillent qu’à la charrue, leur santé, leur état de gestation n’en souffrent pas ; au contraire, cet exercice, pris avec modération, soutient leur appétit, maintient leur activité, les rend robustes ; elles s’emportent moins en entrant et en sortant des herbages ou des écuries. Quel travail, au surplus, pour quatre animaux de cet âge, que de fendre ou refendre un sillon que les bœufs ont déjà ouvert !

Tous les laboureurs, il est vrai, ne sont pas aussi sages ; il en est beaucoup qui, ne considérant que le produit de l’ouvrage, emploient toute la force de l’attelage ; ils s’en servent même pour des charrois difficiles, pendant lesquels il faut faire de grands efforts, surtout dans les mauvais chemins. D’autres ont l’imprudence de confier ces jumens à des domestiques qui, pour plaire à leurs maîtres, en faisant beaucoup d’ouvrage, ou, pour avoir plutôt fini leur tâche, les frappent, les échauffent et les surmènent. Un tel attelage ne doit donc être confié qu’à des mains sûres, et, s’il est possible, au chef de la métairie exclusivement.

Quoiqu’au printems on remette tous les individus du haras au verd, quoiqu’ils couchent dans les herbages, on les fait cependant rentrer à l’écurie, lorsqu’ils travaillent, le matin, pour leur donner un peu d’avoine ; à midi, au retour de la charrue, (ce qu’on appèle faire la méridienne) pendant trois à quatre heures, et le soir, si on retourne au travail.

L’étalon vit habituellement avec ses jumens dans les paturages. Il est paisible et tranquille ; on le met indifféremment, selon son âge, dans les traits ou aux limons ; il revient du pâturage ou du travail avec la même docilité que la jument.

Ce n’est jamais que dans les champs que se fait la monte, et quand elle est finie, il reste tranquille : cette tranquillité, il est vrai, seroit bientôt troublée, si un autre étalon franchissoit les hayes, si même un jeune cheval du haras s’avisoit de vouloir monter une jument. Cette dernière circonstance ordinairement détermine à vendre les poulains de deux ans, ou bien, on les met dans un autre champ, si on en destine un à remplacer le vieux étalon.

Au pâturage, il veille pour tous ; l’approche d’un loup, dont il est averti par les mères avec un accent particulier, et qu’il entend avec prestesse, lui fait développer toute sa force et son courage. À sa voix, tout le troupeau se rassemble près de lui, non le long d’une haie, mais au milieu même du champ. Les mères et l’étalon forment un demi-cercle, en avant du côté du loup, au centre duquel se placent les poulains, par ordre d’âge. Les yeux étincelans, le souffle bruyant et précipité, frappant alternativement la terre, ils attendent et bravent tous l’ennemi qui se garde bien d’approcher.