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à la conservation d’un petit nombre de raisins, il suffit de les isoler sur une planche, et de couvrir chaque grappe avec un vase creux de verre ou de fayence, par exemple, avec des cloches à melons ; on les enveloppe, on les surmonte d’une couche de sable fin ; et le fruit s’y conserve exempt de toute espèce d’atteinte.

Nous terminerons cet article par la description d’un procédé très-ingénieux, employé par un jardinier de la ci-devant Lorraine, pour servir sur la table, même après l’hiver, des ceps garnis de feuilles et de fruits, aussi frais qu’au commencement de l’automne.

Munissez-vous, avant la taille, d’une caisse de trois décimètres de grandeur et de profondeur. Ménagez dans le fond un trou assez grand pour introduire dans cette caisse un sarment qui, par la grosseur de ses nœuds, vous promette du fruit. Faites supporter cette caisse à la hauteur de la branche choisie, par deux crochets fixés dans le mur, ou par des appuis de fenêtre, s’il s’en trouve à portée. Taillez le sarment à deux ou trois yeux au-dessus de la caisse, et remplissez-la d’assez bonne terre. Arrosez abondamment et souvent, car cette terre en caisse se dessèche très-vite. Le rameau prend racine et pousse bientôt des bourgeons chargés de belles grappes. Quelques tems avant leur maturité, on sépare cette marcotte de la treille, en coupant la mère, branche de celle-ci rez le dessous de la caisse : on retranche toutes les parties des nouveaux sarmens qui sont supérieurs à la grappe les plus élevée ; et l’on transporte cette plante, avant les gelées, dans un lieu où elle soit à l’abri des grands froids. Il suffit alors de l’arroser de tems en tems pour posséder, en germinal ou même en floréal, des grappes de raisin couronnées de feuilles et aussi fraîches qu’au moment où on les cueille à la treille. Il résulte quelques autres avantages de ce procédé. 1°. Il en résulte, pour l’année suivante, un plant chevelu dont la bonté n’est pas équivoque. 2°. Il est un moyen facile et immanquable de propager certaines espèces qu’on ne provigne que difficilement. Il ne s’agit, pour cela, que de retirer au printems le cep de sa caisse, avec la motte, et de le remettre en pleine terre. Il souffre si peu de cette transplantation, que, dès l’automne suivant, il est chargé de fruits comme l’année d’auparavant. Enfin il peut être employé avec le même succès à produire des raisins très-précoces. Mais alors, au lieu de remettre le cep en pleine terre, il faut le faire passer, et toujours en motte, dans une caisse plus grande, la conserver dans un lieu et à une exposition convenables, l’arroser fréquemment et tailler le bois très court. Si le plant est du chasselas, il mûrira dès le commencement de messidor. Cette expérience a réussi à tous ceux qui l’ont faite avec soin.