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quand les soins du cultivateur viennent seconder à propos les dispositions naturelles de ces sortes de vignes. On ne peut lui offrir de meilleur exemple à cet égard, que la pratique des habitans de Fontainebleau et de Tomeri. À peine le fruit est noué, qu’ils appliquent des échelles aux murailles, et s’en servent deux fois le jour pour observer jusqu’aux moindres effets de la végétation. Armés de ciseaux et d’une broche de fer un peu courbée vers l’un de ses bouts, on les voit occupés, tantôt à retrancher le petit pédoncule des grains qui ont coulé, tantôt à supprimer les grains mêmes qui paroissent de foible venue, ou qu’on suppose devoir mettre obstacle, par leur pression, au développement des mieux nourris. Souvent le cultivateur enlève d’un coup de ciseaux quatre ou cinq centimètres de la base de la grappe, parce qu’elle parvient rarement au même degré de maturité que la partie supérieure, et qu’elle absorbe en vain une certaine quantité de sève. Il n’est pas une seule grappe qui échappe, dans le cours de la journée, à leurs soins attentifs, on pourroit dire à leur sollicitude, et ils prolongent cet exercice jusqu’au moment de la cueillette. Plus l’époque de la maturité s’approche, plus ils redoublent de vigilance. La roche dont nous avons parlé leur sert à arracher les grains pourris, ou ceux qui ont été attaqués par quelques insectes. Ils en font usage aussi pour tirer hors des branches les grappes que les rayons du soleil ne pourroient frapper, et pour écarter les feuilles qu’ils ne croient pas devoir supprimer, mais qui empêcheroient le raisin de contracter cette belle couleur d’ambre dans les races blanches, et ce beau velouté noir ou pourpré dans les espèces colorées, qui sont un témoignage non équivoque de la saveur douce et de la bonté du fruit. On exécute chacun de ces procédés avec autant de promptitude que de légèreté. On évite soigneusement de ne porter que le moins possible la main sur les grappes, afin de ne pas les priver de cette espèce de duvet aérien qu’on nomme fleur, et qui est une qualité pour le raisin comme pour la pêche.

Les habitans de Fontainebleau n’ont guère à redouter les atteintes des insectes et des oiseaux. Presque toutes leurs treilles sont placées près des habitations, et dans des cours pavées[1], assez proprement tenues pour que les insectes scarabées n’y puissent trouver d’asyle. Quant aux oiseaux, la présence presque continuelle du cultivateur suffit pour les écarter.

Il est certain que celui qui possède de vastes enclos, ou qui est

  1. Le pavé y produit un autre bien. Autant il seroit déplacé sur un terrain humide, argileux, parce qu’il faciliterait la pourriture des racines, autant il est avantageux sur la terre aréneuse et excessivement sèche de ce canton. Le pavé, en mettant obstacle à l’évaporation de l’humidité souterraine, la retient au pied des plantes, et, par ce moyen, en favorise puissamment la végétation.