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tique dë confiance, exact et discret. Le lendemain, nouvelles plaintes, nouveaux sarcasmes, nouveaux ceps redressés : la trace des pieds indiqua heureusement la fourberie. Le maître alla lui-même la nuit suivante faire le guet dans un des coins de sa vigne. Les ouvriers ne tardèrent pas à venir commencer la même opération ; mais les ceps cessèrent bientôt d’être élastiques, et leur élasticité passa dans la canne du maître. Si ce propriétaire n’avoit pas voulu se convaincre par lui-même du stratagème, non seulement il auroit renoncé à cette méthode, mais sa pratique eût été réputée impossible dans le pays : cette opinion s’y seroit transmise de père en fils, et le bien ne s’y seroit jamais fait, L’exemple donné par ce particulier, est suivi maintenant dans tout le canton.

Quant à l’époque la plus propre à former des provins, Olivier de Serres l’indique en deux mots : « Le temps de provigner est celuy même du planter, auec remarque des circonstances représentées des lieux chauds et froids, secs et humides ».

La vieillesse d’une vigne, l’époque prochaine de sa destruction, s’annoncent par la foiblesse de ses pousses, par le peu de surface que présentent ses feuilles, par la rareté et la petitesse de ses grappes. Quand elle a cessé, pendant deux ou trois années consécutives, de dédommager le propriétaire de toutes ses avances, de quelque nature qu’elles soient, et quand on ne peut raisonnablement imputer sa stérilité ni à l’intempérie des saisons, ni aux ravages des insectes, ni aux vices de sa culture, il faut bien l’attribuer à sa vieillesse ; mais avant d’en ordonner l’arrachage dans les pays où, pour obtenir la maturité du raisin, on est forcé de n’espacer les ceps que de cinq à sept décimètres, on doit employer un moyen de la restaurer, de la vivifier, qui n’a presque jamais été mis en usage sans succès. Il consiste à dédoubler les plants, à conserver l’un, à supprimer l’autre, ainsi de suite, alternativement, et de manière que la plantation n’en conserve pas moins la forme du quinconce. Par cette méthode, on peut prolonger d’un tiers la durée d’une vigne déjà vieille. Les racines conservées vont insensiblement occuper la place de celles qu’on a retranchées ; et une moitié des plants tourne ainsi à son profit toute la nourriture qu’elle étoit obligée de partager avec l’autre. Ce n’est pas ici le cas de redouter l’effet d’un grand espacement ; les organes des vieilles plantes ont perdu leur souplesse ; les canaux qui filtrent la séve ne sont plus susceptibles de se dilater comme dans la jeunesse ; la séve deviendra plus abondante, il est vrai, mais son cours sera modéré ; la plante ne recouvrera de sa vigueur que peu à peu, et de manière que la qualité de ses produits n’en soit point altérée.

Je termine ici ce traité. La plupart de ceux qui ont écrit avant moi sur la culture de la vigne, en France, n’ont guère enseigné que l’art de se procurer beaucoup de