Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment de la Creuse, conduire seule, sans guide, (le métayer étant resté exprès avec moi pour me donner une preuve de leur adresse) une voiture de fumier, en suivant tous les détours d’une haute montagne, coupés en plusieurs endroits par des bandes transversales de rochers sur lesquelles il étoit difficile de prendre pied, et sur-tout de ne pas verser.

Il faut voir ensuite toute la famille au retour : la femme laisse ses plus jeunes enfans, et accourt aider son mari à délier le joug ; l’un les essuie, les bouchonne ; l’autre prépare le fourrage ; les enfans les caressent, les embrassent, les nomment ; les vaches enfin sont de la famille ; biens nourries, sobrement exercées, leur santé en est meilleure, leur corps plus robuste, leur lait est moins abondant, par l’effet d’une plus grande transpiration ; mais combien il est plus nourrissant ! C’est un fait positif, et qui paroît justifié par la différence même du lait d’une femme nourrice qui prend de l’exercice, avec celui d’une citadine qui ne fait rien.

Si l’intérêt privé, si l’industrie, si un doux caractère aussi, font trouver quelques colons aussi soigneux, combien il en existe qui sont différens en tout ! Peu d’entre eux, malheureusement, se corrigeront par ces réflexions ; mais si quelques propriétaires fonciers de ce pays les lisent ; si ailleurs, des cultivateurs vouloient mettre en pratique le labour par des vaches, qu’ils observent donc, avec la plus rigoureuse attention, le régime sévère qui lui convient dans ce cas.

La mise au verd pour ces vaches exige des soins continus. On ne doit, dans les premiers jours, leur administrer de fourrage verd que par petites parties, et jamais sans le mélanger avec un peu de foin. Si on les met au verd dans un champ, il ne faut jamais les y envoyer avant une heure de soleil, et sans leur avoir donné avant, un peu de fourrage sec ou du grain. Si on leur donne le verd à l’écurie, il faut constamment en observer les effets, augmenter le mélange du foin avec le verd. Si on voit, par leur fiente, qu’elles sont relâchées, et si le dévoiement se manifeste, il faut absolument ajourner le travail et attendre la remise de l’équilibre des humeurs. Si elles ont un veau, ou si on les trait, il ne faut point épuiser leur pis ; il faut réveiller leur appétit, soit avec du pain salé, de l’avoine, du seigle. Ces soins, pour les effets du verd, ne durent au surplus que pendant quelques jours, et jusqu’à ce qu’on s’apperçoive que les premiers désordres sont passés. Tout ce qui a été dit, d’ailleurs, s’applique aux vaches.

Des chevaux

Les chevaux, dans les pays de petite culture, sont beaucoup mieux traités que les bêtes à cornes ; mais il y a plusieurs tenues pour leur emploi et leur régime. Dans les pays du ci-devant Limosin, Quercy, Périgord, Marche, Languedoc, Auvergne, les jeunes poulinières et leur suite vont seules paître dans les champs ; les étalons restent constamment dans les écuries.