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s’infiltreroit dans l’incision de la greffe et délaveroit le gluten qui doit unir la greffe au sujet.

Le bon choix des sujets consiste à les prendre sains et pourvus de bonnes racines.

Pour se procurer de bonnes greffes il faut les couper, comme une crossette, avec un peu de vieux bois. Il ne sert pas à la greffe proprement dite, mais il concourt a sa conservation jusqu’au moment de la mettre en place. On doit les couper par un tems sec et froid, pendant que la séve est privée de tout mouvement. La fin de l’automne paroît être l’époque la plus favorable pour les cueillir. On les conserve dans un cellier ou dans une cave où la chaleur et la gelée ne puissent pénétrer. On les enfonce par le gros bout dans un sable un peu humide et jusqu’à la profondeur d’un décimètre au moins. Vingt-quatre heures avant de les employer on les tire du dépôt pour plonger dans l’eau toute la partie qui étoit enfoncée dans le sable. On doit tirer la greffe du tiers inférieur du rameau, c’est-à-dire plus près du vieux bois que de l’extrémité supérieure. Il faut la tailler avant de la porter aux vignes, et avec la précaution de l’y transporter dans l’eau claire, afin de ne pas interposer des corps étrangers entre la greffe et le sujet.

Pour que les espèces soient analogues, il faut que le nourricier ne soit pas d’une race plus délicate que le nourrisson. Évitez, tant que vous le pourrez de greffer les blancs sur les noirs ; il réussissent, mais sans aucun avantage ; on est plus sur du succès en greffant les couleurs sur elles-mêmes. Aucun arbre ne prend la greffe plus vite que la vigne ; dès l’année suivante elle pousse vigoureusement et dédommage le propriétaire, pendant plusieurs années de ses soins et de sa dépense.

Quelques auteurs ont écrit que la greffe de la vigne étoit nuisible à la qualité du vin ; mais ils n’en ont jamais fourni la preuve ; ils n’ont jamais donné des raisons plausibles de cette assertion. Il est assez prouvé, au contraire, que la greffe perfectionne le fruit sur lequel on la pratique. Le marron d’inde paroît avoir été jusqu’à présent le seul qui se soit montré rebelle à ce moyen d’amélioration ; encore perd-il un peu de son amertume lorsqu’il a été greffé plusieurs années de suite sur lui-même. Peut-être qu’en variant la manière d’opérer et y revenant toujours, on parviendroit, à force de tems à l’adoucir entièrement. Aucun fruit greffé sur un sujet sauvage ne perd de sa qualité pour prendre celle du fruit sauvage ; un fruit acerbe, au contraire, greffé sur lui-même s’améliore et perd son acreté.

La greffe prend sur la vigne avec tant de facilité et s’anastomose si parfaitement, qu’aucune autre espèce d’arbre ne paroît, mieux qu’elle, destinée par la nature à ce moyen de perfection ; et l’on voudroit que cette opération altérât la qualité du raisin, tandis qu’elle bonifie celle des autres fruits ! cela n’est pas possible. Gref-