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transporter hors de la vigne et d’y mettre le feu. Ceux qui se contentent de les piétiner, à mesure qu’elles tombent, prennent une peine inutile ; parce que les insectes et leurs œufs échappent à l’effet de ce mouvement. Il faudroit même pour assurer la destruction de ces animaux et de celle du hanneton, un concours de zèle et de bonne volonté, tel, que tous les habitans d’un canton choisissent le même jour pour faire cette chasse. Si un particulier s’en occupe sans être secondé par ses voisins, il en est pour la perte de son tems. Les insectes ne connoissent point de bornes à leurs domaines ; ils passent rapidement d’une propriété dans une autre.

Les larves de l’urbec, du becmore, du gribouri et du hanneton redoutent l’impression de l’air et sur-tout les vicissitudes de l’atmosphère ; elles ne résistent pas plus aux froids qu’aux chaleurs. C’est pour jouir, sans doute, d’une température égale, qu’elles vont établir leur demeure dans l’intérieur de la terre. Ne pouvant se nourrir que des racines qu’elles rencontrent, elles se portent sur celles de la vigne, avec d’autant plus d’avidité, que la bonne culture n’en souffre point d’autres dans un vignoble. Si une vigne souffre, si on ne peut attribuer sa langueur à aucun vice dans ses façons, on déchausse un certain nombre des ceps les plus fatigués ; on cherche dans les bifurcations des racines, dans les houpes les plus chevelues, pt l’on y découvre assez ordinairement la cause du mal. Ce sont six, sept vers et plus, de différentes espèces, occupés à les meurtrir, à les déchirer, à se nourrir de leur substance. Dans ce cas, les lois de la bonne culture, non seulement autorisent, mais prescrivent un labour pour l’hiver suivant. Le seul remuement de la terre, pendant la saison rigoureuse, entraînera la destruction de plusieurs myriades de ces insectes.

On a remarqué 1°. qu’ils se logent, de préférence, dans les portions de terre nouvellement engraissées de fumiers frais, onctueux et peu consommés. ; 2°. que s’ils rencontrent, sur leur route, des racines de plantes herbacées ou potagères, comme celles du fraisier, de la laitue, de la fève de marais, vicia faba, ils dédaignent les racines ligneuses de la vigne, pour se porter sur celles-ci. Cette double observation n’est point restée sans effet. Les cultivateurs soigneux en profitent pour tendre des pièges et pour composer des appâts, afin de les attirer et de les surprendre. Les uns font distribuer dans les allées intérieures de leurs vignes des tas de fumier convenablement espacés. La chaleur qui s’y établit et les substances visqueuses qu’ils contiennent, attirent les insectes ; vers la fin de l’hiver on y met le feu et l’on détruit la plupart de ces animaux destructeurs. Les cendres sont réservées pour amender les parties les plus basses de la vigne. D’autres forment autour de leurs vignes, et sur les plattes-bandes des allées intérieures, un cordon de fèves de marais, comme l’appât le plus propre à les attirer.