employées aux rudes travaux des champs : destinées par la nature à la reproduction de l’espèce, fatiguées chaque année par les effets de la gestation, affoiblies par la tenue domestique, elles ne devroient payer d’autres tributs à l’homme que celui qu’elle lui donnent aux dépens de leur propre substance, soit en élevant des veaux, soit en lui abandonnant les sources de lait qu’elles portent ; mais dans ces pays, une destinée plus malheureuse que dans toutes les autres contrées de la France, les opprime : les labours, les défrichemens, les charrois de toutes espèces, tout est fait par elles.
Je n’examinerai point ici, si sous les rapports des produits économiques, c’est un grand abus de faire travailler la vache, et si dans l’état de divisions des champs de ces contrées, qui sont tous clos par petite portion, il seroit possible de leur substituer avec avantage, des bœufs ou des chevaux : cet examen bien fait, avec les connoissances des localités, pourroit peut-être avoir pour résultat, que cet usage dans le principe, a eu pour cause une bienfaisante législation coutumière ou féodale, en admettant des acensemens et arrentemens fonciers, et qu’il est peut-être moins l’effet de la misère ou de la nécessité que de l’industrie favorisée par l’aisance que donne toujours une propriété foncière ; on pourroit se convaincre encore que, si un tel usage est souvent funeste ou nuisible aux propriétaires, et fatal aux vaches, c’est bien moins par l’emploi des forces qu’elles comportent que par l’excès du travail et les défauts de soins pour leur régime.
La preuve de cette dernière considération est bien manifeste, en voyant quelques colons employer, conserver et élever de très-belles vaches, en retirer avec la plus industrieuse économie, outre le labour de leurs terres, des élèves, du lait et du beurre. Autant l’homme sensible, le véritable agriculteur, est indigné, en voyant des colons brutaux, exiger des vaches qu’ils mènent, un travail excessif, les maltraiter, les mettre en sueur, et n’en prendre aucun soin quand ils les ôtent du joug, autant il aime à voir le chef d’un ménage, aidé par sa femme et ses enfans, disposer ses vaches à reprendre la charrue ou la charrette, pour aller ensemencer l’héritage de la famille : soignées par le père, caressées par la mère et les enfans, elles viennent d’elles-même s’y soumettre ; pendant que le père en attache une, la mère flatte ou appelle l’autre, les enfans tiennent les filets ou feuillages qui doivent ombrager leur front, et les garantir des mouches : elles quittent sans regret l’étable où elles laissent leurs veaux, parce qu’après leur tâche, elle sont certaines de les revoir, et d’y trouver de bons fourages, du grain ou des buvées ; elles viennent, elles obéissent à leur nom, elles entendent singulièrement bien leur ouvrage, leurs sillons semblent tracés au cordeau : elles sont très-adroites à conduire une charette, et dans certaines occasions elles font un emploi de forces qui étonne ; j’en ai vu dans le départe-