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les bœufs, n’éprouvant pas de changement brusque dans leur manière de vivre, ne perdront ni de leurs forces ni de leur vigueur, ni de leur embonpoint, et ils s’accoutumeront bientôt à la fraîcheur des nuits.

Tout laboureur intelligent s’abstiendra de les faire travailler au moins 7 à 8 jours, à compter de celui où ils auront été mis au verd : envain les hommes que l’habitude mène, diront-ils qu’on ne prend pas ordinairement toutes ces précautions, que les bœufs, chaque année, n’en font pas moins les travaux accoutumés, qu’ils engraissent et survivent très-bien au régime accoutumé ; ce raisonnement ne peut que prouver seulement, la grande et prompte bienfaisance du fourrage verd ; mais qu’ils calculent donc, et les forces de moins de leur attelage, et leur amaigrissement subit, qui retarde si longtems l’époque où ils voudroient engraisser certains animaux ?

Il sera prudent aussi, d’abréger, dans le commencement, la durée du temps qu’ils seront à la charrue ou à la voiture.

Comme les printemps semblent devenir plus tardifs et plus inconstans ; comme l’herbe, d’ailleurs, n’a presque jamais acquis la consistance nécessaire, à l’époque où les travaux doivent commencer, je conseille aux cultivateurs, de ne mettre leurs bestiaux au verd, que quand l’herbe est assez abondante et substantielle, et de prendre chaque année leurs précautions, pour avoir assez de fourages secs à donner aux bœufs, pendant l’époque où ils reprendront les travaux des terres.

La nature de l’herbage, où on met les bœufs au verd, n’est pas indifférente ; et si on peut choisir, il ne faut pas balancer et donner la préférence à l’herbage de meilleure qualité : les prairies basses, aquatiques, dont l’herbe a beaucoup moins de qualités nutritives, encore chargée souvent de la vase des inondations, pourroit déranger les bœufs, et les mettre hors d’état de travailler ; je sais que les paysans, en général, regardent ce dérangement comme un effet, nécessaire et même utile de l’herbe nouvelle, et, pour parler comme eux, ils le regardent comme une boue purgative ; mais qu’ils apprennent plutôt que les maladies de leurs bœufs ne proviennent ordinairement que de ces causes, trop réelles et trop communes.

Beaucoup de cultivateurs ont l’habitude de faire saigner leurs bœufs en les mettant au verd ; cette précaution est plutôt un usage dans certains pays, qu’un soin raisonné, sur-tout pour des jeunes bœufs encore ardens, et qui n’ont pas besoin d’un tel remède ; cette saignée cependant paroîtroit mieux indiquée pour les bœufs qu’on veut engraisser, en ce qu’on a remarqué qu’elle disposoit à faire prendre plus tôt de l’embonpoint : je l’ai vue réussir au moins pour des bœufs qui m’appartenoient et qui avoient été trop poussés au travail.

Les vaches aussi, dans beaucoup de cantons des pays à petite culture, sur-tout dans les pays montueux, et où les propriétés foncières sont beaucoup divisées, sont