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culs d’inexactitude. Est-il vraisemblable qu’il puisse y avoir du bénéfice à mal façonner son bien ou à ne le façonner qu’à demi, surtout dans les pays où la nature est si bien disposée, comme dans nos départemens méridionaux, à seconder les efforts du cultivateur ? Les mêmes raisons peuvent être employées à combattre le système des vignerons du Nord qui croient gagner beaucoup à beaucoup fumer leurs vignes. Par ce moyen ils obtiennent, à la vérité, des récoltes plus abondantes, plus de vin ; mais un vin sans qualité, qui n’est jamais de garde et qui rappelle souvent quand on le boit l’odeur des substances dégoûtantes qui l’ont produit. Comment peut-on croire qu’il y ait de l’avantage à détériorer sa récolte, à faire perdre aux productions de son domaine la réputation dont elles jouissoient, ou à les priver de celle qu’elles sont susceptibles d’acquérir ? Comment peut-on s’imaginer qu’il y ait du bénéfice à fabriquer un vin qu’on est forcé de vendre tout chaud, au sortir de la cuve, quand on pense que souvent sa valeur seroit quintuplée après deux ou trois ans de garde.

Le fumier communique à la vigne une nourriture trop abondante. Le suc nourricier, réduit eu gaz et reçu par les orifices des racines capillaires et par les trachées des feuilles, pénétre et circule dans les conduits séveux, forme la charpente de la plante et lui fournit la substance des fers des feuilles, des fleurs et des fruits ; plus le suc nourricier est abondant plus le diamètre des vaisseaux se distend ; et le cours de la sève est d’autant plus rapide que les canaux qu’elle parcourt ont plus de capacité ; ainsi la sève circule moins élaborée ; il n’en peut résulter qu’un vin plat, insipide, dénué des principes de l’alkool. D’ailleurs cette abondance de la récolte, cette brillante végétation ne sont, en quelque sorte, qu’illusoires, parce qu’elles ne peuvent être que passagères. Dans les vignobles où la méthode de fumer est introduite, on ne fume guère que tous les dix ans. Il n’est pas douteux que l’effet des fumiers est très-remarquable pendant les trois ou quatre premières années qui suivent leur introduction dans la vigne ; mais une année de plus, et les ceps languissent déjà. Ne trouvant plus ni la même nourriture ni la nourriture abondante à laquelle on les avoit accoutumés, ils souffrent de cette privation et souvent en succombent. On perd ainsi une partie de ses plants par trop ou trop peu de nourriture.

Le fumier composé de lisières nouvellement sorties des étables et des écuries doit être absolument proscrit des vignes, de même que les dépôts des voieries et les gadoues ; mais la vigne peut recevoir, et souvent il est avantageux de lui donner des amendemens ou des engrais qui suppléent à la maigreur de la terre, à son épuisement ou à ce qu’elle laisse à désirer, pour le plus grand avantage de ce genre de culture. Aucun engrais ne paroit lui mieux convenir que la terre végétale proprement dite ;