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qu’il laboure ou qu’il sarcle. Il en est d’autres qui auroient bientôt repris racines si on ne les arrachoit qu’à demi, ou si on ne les enfouissait pas en entier ; le remuement imparfait de la terre leur serviroit de culture. Quant à celle dont la tige est molle, la feuille charnue, la racine peu velue, il suffit d’un coup de houe ou de binette pour les détruire sans retour ; couchées sur la terre, exposées aux rayons du soleil, elles perdent en un instant le mouvement végétatif et tous les moyens de le recouvrir. Il n’est pas douteux que le labour à la main a de grands avantages pour nettoyer le terrain et pour le retourner dans tous les sens sur celui qu’on exécute avec la charrue ou l’araire. Le cultivateur armé de sa houe pénètre la terre autant et pas plus qu’il ne le veut ; il évite aisément d’atteindre la souche ou les racines des ceps ; il ne casse point les rameaux ; il ne froisse aucune grappe ; maître absolu de tous ses mouvemens, il dirige à son gré l’instrument dont il se sert. Le labour à la charrue est plus expéditif et moins coûteux, il est vrai ; mais combien il est imparfait ! de combien d’accidens n’est-il pas suivi ? La terre renversée par bandes, n’est jamais complètement remuée ; le plus souvent le soc n’arrache pas, mais il déplace et replante les herbes qu’il importe essentiellement de détruire : quelle que soit l’adresse de celui qui le dirige, quelque attention, quelque bonne volonté qu’il mette à bien faire, entrez dans la vigne quand il en est sorti, parcourez son ouvrage, et vous trouverez à peine quelques sillons parfaits ; vous verrez des ceps renversés, des racines en l’air, des grappes détachées, des rameaux épars, et vos yeux n’apercevront qu’une foible partie du mal ; les meurtrissures, les déchiremens faits aux souches et aux racines sont innombrables ; mais la terre les soustrait à vos regards. Les inconvéniens, les imperfections du labourage de la charrue sont trop évidens pour que les propriétaires qui l’emploient, essaient même de se les dissimuler. Mais ils allèguent pour se justifier, la rareté des bras, quoiqu’il n’y en ait guère moins d’oisifs dans nos provinces méridionales qu’ailleurs. Nous trouvons d’amples dédommagemens des vices de nos labours, disent les cultivateurs de ces contrées, dans la maturité de nos raisins, favorisée par une température plus chaude et dans l’absence des gelées, fléaux dont sont frappées si souvent les vignes du centre et du nord de la France. Il faudroit un meilleur raisonnement pour justifier un pareil abus ; plus un climat est propre à un genre de culture, plus on doit mettre de soins à le seconder. Et puis, quand on considère la négligence d’un grand nombre de ces propriétaires à faire un meilleur choix de cépages, à diminuer des trois quarts le nombre des races ou des variétés qui peuplent leurs vignes, le peu d’attention qu’ils mettent dans la fabrication de leurs vins, on a bien le droit de soupçonner leurs cal-