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l’autre, les tordent et les déchirent impitoyablement ; de-là une foule d’éclats, d’esquilles, de filamens et de lambeaux qui empêchent la plaie de se cicatriser. Si vous coupez le bourgeon net, au milieu d’un nœud, cette plaie sera bientôt fermée. N’arrêtez pas votre vigne avant qu’elle ait fleuri, avant même que son fruit soit noué, vous l’exposeriez trop au danger de la coulure. En contrariant le cours de la sève, au moment d’une crise délicate, vous l’obligez de rétrograder vers la grappe ; et le plus souvent la coulure n’est due qu’à la surabondance de sève qui se porte vers elle. Les vignerons ne suivant aucune règle particulière, sur l’époque de la rognure, on ne doit pas être surpris de ce que les vignes coulent si fréquemment. Puis leur manière de rompre au hazard les bourgeons, mutile souvent les grappes ; car tous ces bourgeons réunis et rompus à tort et à travers, ne sont pas de la même longueur. Il importe assez peu qu’un sarment reste long ; mais on fait grand tort à celui qu’on rabaisse outre mesure. Quand on rabat trop bas les mieux nourris, ils repoussent nécessairement de toutes parts des rejettons ou de faux bourgeons desquels résultent quelquefois des grappes nuisibles, parce qu’elles sont trop tardives. En donnant le coup de serpette, pour détruire ces brindilles, opérez toujours de bas en haut, pour éviter de faire des éclats ou d’éteindre le bouton voisin. Quand aux tenons ou vrilles, il importe assez peu de les retrancher ou de les laisser subsister. Les expériences comparatives, faites à cet égard, n’ont donné aucun résultat positif.

On effeuille les vignes, et pour modérer le cours de la sève, et pour procurer au raisin le contact immédiat des rayons du soleil et lui faire prendre ou cette belle couleur dorée ou ce velouté pourpre, indices de la saveur et souvent de la formation du muqueux sucré. Cette opération est très-délicate ; elle doit être faite à plusieurs reprises et ne commencer que quand le raisin a acquis presque toute sa grosseur. Si on effeuille trop, le raisin sèche et pourrit avant de parvenir à son point de maturité, surtout dans les automnes pluvieux, parce qu’alors le muqueux-doux, noyé dans une trop grande quantité de véhicule aqueux, ne peut plus se rapprocher, et dans un tems sec, il se fane, se ride ; la rafle même se sèche. Ce n’est pas tout, les bourgeons encore verts qui ne sont pas aoûtés ne mûriront point ; ceux qui commencent à l’être cesseront de profiter ; et les boutons n’ayant point reçu, de la part des feuilles, leur complément de végétation, ou avorteront l’année suivante, ou s’ils font éclore des grappes, elles couleront.

En 1763, le raisin ne mûrit dans presque aucun de nos vignobles : les meilleurs cantons de Bourgogne et de Champagne ne donnèrent que du vin médiocre. Quelques vignerons mirent tout leur raisin à découvert, et d’autres ef-