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formant de chacune des races des colonies séparées, que vous évitez par ce moyen la nécessité de revenir à plusieurs reprises sur le même terrain pour y faire la vendange. « Les espèces, dit Olivier de Serre seront plantées et distinguées par quarreaux ; trauersans la vigne, accommodant le naturel de chaque espèce à la qualité de la terre et du soleil, selon les diversités qu’on remarique en tout lieu, afin que plus elles profitent, et plus facilement soyent gouvernées, que mieux on les aura appropriées, même au tailler, où l’intérest est très grand s’il n’est fait comme il faut ; pour ce que l’une doit estre couppée tost, l’autre tard ; celle ci court, celle-là long, chose difficile à faire quand la vigne est confusément plantée par l’ignorance des vignerons, qui, sans voir la feuille des vignes, n’en peuuent guère bien discerner les espèces. Le marrer du houer par ces diuisions est aussi rendu plus aisé sur-tout si estans égales, les ouuriers y peuuent trouuer leur besogne taillée : cela reuenant à l’utilité du maistre, qui, par ces petites portions, auec jugement et moins de crainte d’estre trompé, peut faire travailler ses gens, que si les espèces des raisins y estayoiut confusément amoncelées ».


Section III.

De la hauteur des ceps ; de la taille ; du palissage ; de la rognure ; de l’ébourgeonnement et de l’épamprement.

La vigne ne varie pas moins dans sa hauteur que dans son espacement. Les hautains que les anciens nommoient vignes arbustives, sont communs en Italie, en Espagne, et dans nos départemens de la Provence, du Languedoc, dans la partie orientale du Dauphiné, dans le Bigorre, la Navarre et le Béarn. Ce genre de culture est suivi en France, non généralement, mais d’espace en espace, depuis les Pyrénées et les bords de la Méditerranée, jusques aux frontières de la Bourgogne. On entend par hautain, proprement dit, un cep lié contre le pied d’un arbre, dont les sarmens se confondent avec ses branches. De toutes les manières de cultiver la vigne, il n’en est aucune de plus pittoresque, de plus agréable aux yeux, « Je fis à pied et lentement, dit Baretti[1], la plus grande partie du chemin qui conduit de Mollis, de Reys jusqu’à Barcelonne, jouissant d’une perspective assez belle pour rappeller l’idée des Champs-Élysées. C’étoit une suite non interrompue de vignes soutenues par des mûriers régulièrement plantés ; les branches de vignes y pendent par-tout en festons d’un arbre à l’autre. J’en ai vu de pareilles dans les duchés de Mantoue et de

  1. Voyage d’Espagne, Tom. IV, p. 73.