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de Bourgogne, et après vingt-cinq ou trente ans de culture, on étoit parvenu à obtenir, de cette plantation au Cap, du vin qui eût le bouquet, la légèreté, la délicatesse des premiers vins de Bourgogne, ce seroit sans doute un terrible argument à opposer à notre opinion sur la facilité qu’a la vigne de dégénérer ou de se régénérer facilement, en passant d’un climat dans un autre. Mais si ce plant de Bourgogne n’a prospéré au Cap que pour y donner un vin épais et sirupeux, comme les anciens vins de ce territoire ; si le maurillon, dont la grappe est de grosseur moyenne et ses grains petits et peu serrés en Bourgogne, donne au Cap des grappes d’un volume considérable, et garnies de grains gros et serrés ; si le muqueux qu’on en exprime est tellement épais, que, pour lui faire contracter la fermentation spiritueuse, il faille le diviser, en le mélangeant avec de l’eau, ce fait viendra tout entier a l’appui de ceux que nous avons déjà rapportés ; et il y vient effectivement, parce que nous venons de présenter les vrais résultats de cette transplantation.

Le moyen le plus simple, le moins coûteux et le plus sûr, est donc de se pourvoir, autour de soi, dans ses propres vignes, ou dans celles de ses plus proches voisins, des plants nécessaires pour exécuter la plantation qu’on se propose de former ; de porter son choix sur les seules races connues pour produire le meilleur vin du canton, et par conséquent, de les réduire à un très-petit nombre. Ces mélanges monstrueux des raisins de toutes les espèces, de toutes les races, de toutes les variétés, tels qu’on les voit dans presque tous les vignobles de la France, puisqu’on ne peut guère excepter que les premiers crûs de Champagne et de Bourgogne, ne laissent aucun goût décidé au vin ; les divers principes de cette réunion sont trop opposés pour que les résultats en soient bons ; ils ôtent au vin toutes ses qualités et ne lui en donnent aucune.

À mesure que vous formez vos crossettes, ayez soin de les classer. Etablissez d’abord, dans votre collection, deux grandes divisions, les cépages blancs et les cépages colorés. Les espèces ou variétés colorées mûrissant dix ou douze jours plutôt que les blanches, ne doivent ni être confondues ensemble dans la plantation, ni occuper, indistinctement, les différentes places du coteau, celles-ci variant dans leur température, comme la vigne, selon son espèce, dans les époques de sa végétation. Subdivisez avec le même soin vos deux grandes divisions ; mais n’oubliez pas qu’on ne peut être trop discret à ne pas multiplier les races. Il suffit qu’il y en ait une ou deux tout au plus qui dominent, et celles-ci doivent former au moins les deux tiers en nombre, dans chacune des deux grandes divisions ; quand à celles que vous jugerez convenables d’y ajouter, pour former le troisième tiers, faites en sorte qu’elles soient de nature à se rapprocher, le plus possible, des premières, relative-