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de la plantation en bouture dépend entièrement de la bonne préparation de la terre, des soins qu’on donne aux différens procédés de détail qu’exige la plantation, et du bon choix des plants.

Une bonne crossette doit être prise sur un cep fort et vigoureux, âgé de huit ou dix ans au plus, dans les terrains où la vigne ne subsiste que pendant vingt-cinq ou trente années ; et de vingt à trente dans ceux où elle se soutient en bon état pendant environ un siècle. Quand la mère souche n’a pas fourni la moitié de sa carrière, elle est encore douée de toute son énergie végétative. Il faut être assuré qu’elle produit des fruits gros et bien nourris ; il faut que son bois soit fort, sain, sans tare, sans cassure, qu’il ait lui-même porté du fruit dans l’année, parce qu’alors sa fécondité n’est pas équivoque ; et qu’il ait assez de longueur, pour qu’après en avoir retranché une partie de l’extrémité supérieure, qui doit être rebutée, le surplus puisse plonger en terre à la profondeur de trois à cinq décimètres, selon la nature du sol et du climat, et excéder de deux nœuds au moins la surface du terrain. La propriétaire ne peut être sûr que toutes ces conditions se trouvent réunies, s’il n’a fait lui-même le choix des plants, dont il se propose de former sa vigne. Les friponneries qui se commettent, et les erreurs dans lesquelles on tombe journellement à cet égard devroient en effet l’éclairer assez sur ses propres intérêts, pour ne pas abandonner à l’ignorance ou à la mauvaise foi, ce point indispensable pour le succès d’une entreprise à longue, si dispendieuse, si délicate. Le vigneron a-t-il de la probité ? il vous trompera en se trompant lui-même, quoi qu’il en dise, sur le choix des espèces. Quand la vigne est dégarnie de son fruit, et dépouillée de ses feuilles, il est extrêmement difficile de distinguer les individus qui appartiennent à telle ou telle race. Si l’ouvrier a acquis ce genre de connoissance, ce n’est pas à vous servir qu’il en fera usage ; il coupera indistinctement tout ce qui se trouvera sous sa main pour avoir plutôt expédié la besogne. Propriétaires, si vous êtes jaloux de faire une bonne plantation, ne vous en rapportez donc qu’à vous-mêmes, qu’à vos propres yeux sur le choix des plants que vous voulez vous procurer. Parcourez vos vignes ou celles des voisins avec lesquels vous aurez traité, pendant que les grappes sont encore pendantes aux sarmens, c’est-à-dire quelques jours avant les vendanges ; choisissez alors sur chaque cep de l’espèce qui vous convient, le sarment le plus sain et le plus vigoureux ; marquez-le avec un brin d’osier, avec une étiquette d’ardoise ; et ne permettez de planter dans le temps que les plants ainsi désignés. Quand on achète les crossettes, on est bien plus sûr encore d’être trompé qu’en les faisant cueillir à la journée. On trouve des marchands de ce genre dans presque tous les vignobles ; ils ne manquent pas de garantir, en belles paroles la bonté de leur fourniture ; ils la livrent ; on les paie dans l’année,