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tement les mots de crossettes et de boutures, pour désigner ceux qui se sont garnis d’aucune racine.

Le plant enraciné est un jeune cep, élevé dans une pépinière où il a été placé deux ans plutôt sous la forme de crossette ou de bouture ; et où il a reçu les mêmes façons que les arbres élevés dans les pépinières les mieux soignées. Il est cependant un moyen plus court, plus simple et moins dispendieux de se procurer du plant enraciné. Choisissez, en floréal, un sarment fort et vigoureux ; enlevez les yeux les plus voisins du cep ; inclinez doucement son extrémité supérieure dans une petite fosse que vous aurez préparée au dessous pour la recevoir ; recouvrez-la de terre ; assujettissez contre une gaulette la partie extérieure de ce sarment ; et vous en obtiendrez un plant enraciné, que vous séparerez du cep, à la fin de l’automne ou de l’hiver suivant. Ayez sur-tout l’attention de ne pas couder le sarment ; il doit être plié, non en équerre, mais un peu plus qu’en demi-cercle. Une coudure trop rapprochée meurtrit, brise, déchire les canaux séveux, y forme des obstructions ; elle est un obstacle aux progrès de la végétation.

La marcotte est une partie de sarment qu’on couche et qu’on fixe dans un panier rempli de terre. L’extrémité du sarment sort du panier à la hauteur de deux ou trois nœuds. La partie du bois enterrée pousse des racines par les rugosités voisines de l’insertion des bourgeons que renferme le panier. Le succès de cette manière de se procurer du plant enraciné est certain sans doute ; elle est bonne à employer dans les jardins, pour former des treilles, pour entourer des quarrés ; mais n’est-elle pas trop minutieuse quand on travaille en grand ?

Li s anciens préféroient le plant enraciné à la crossette. Nous connoissons quelques grands vignobles en France où cette méthode est adoptée exclusivement à toute autre. Cependant on ne peut se dissimuler qu’elle n’ait de grands inconvéniens, qu’elle ne soit même souvent impraticable. Dans les lieux, par exemple où l’on est forcé d’employer le rhingar, la taravelle ou plantoir de fer pour ouvrir la terre, comment introduire, sans les pelotonner, sans les presser, sans les mutiler, ces touffes chevelues ? Il faudroit à chacune une ouverture de quatre ou cinq décimètres en largeur et en profondeur pour les étaler, les disposer, les asseoir dans le sens et selon les dimensions que la nature leur a données. On dira peut-être qu’en retranchant aux plantes leurs racines chevelues, on les soulage ; que c’est le moyen de leur en faire pousser de meilleures. Ce raisonnement est faux. Ce n’est point l’arbre qui nourrit les racines ; mais elles sont indispensables à sa végétation ; l’arbre croît et profite selon que ce principe de vie est abondant et agissant ; le retranchement de ses racines, loin de le soulager, nuit essentiellement à sa croissance. Dire que les nouvelles racines