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ment les haies vives. Au défaut de pierres, il vaudroit mieux se borner à creuser un fossé large et profond ; et si sa crête est eu dehors de l’enceinte, on peut tout au plus se permettre d’y planter un rang d’aubépine, cratœgus oxiacantha, qu’on a soin de maintenir à la hauteur d’un mètre seulement.

On rencontre des sols propres à la culture de la vigne, mais qui présentent, au premier aspect, des difficultés insurmontables pour les mettre en valeur. Ce sont des roches presque nues, mais tendres, qui s’écaillent et s’effleurissent à l’air. L’action de la bêche, de la tranche, de la houe, est insuffisante pour la diviser, pour en atténuer convenablement les parties. Il ne faut pas se déconcerter avant d’en avoir fait l’essai ; souvent, avec le secours de la mine, des leviers, des maillets, on vient à bout, avec beaucoup moins de peines et de dépenses qu’on ne l’auroit supposé, de convertir ces roches en excellents crûs de vin, très-propres à dédommager amplement le propriétaire de ses avances et de tous es frais d’exploitation. Un particulier des environs d’Anduse, département du Gard, possédoit dans son domaine une roche calcaire nue, dont il ne savoit que faire. Il prit le parti, il y a environ quarante ans, de faire jouer la mine et de la faire éclater. On en brisa ensuite les pierres à coups de maillet, pour les réduire à la grosseur des noisettes ou des pois. Sa roche ainsi brisée, fut mise sur un plan incliné, suivant la nature du lieu : il y planta la vigne, qui, à la grande surprise de tous, produisit et produit encore le meilleur vin du pays. Lorsque ces débris de pierres sont échauffés par les rayons du soleil, il seroit impossible d’en supporter la chaleur et d’y marcher pieds nuds. Ce lieu se nomme Soubeiran ; il est voisin de Gaujac.

Si le terrein qu’on se propose de mettre en vigne est déjà en rapport, la meilleure préparation qu’on puisse lui donner, c’est d’y cultiver, pendant deux ou trois ans, des plantes potagères, des légumineuses, des racines, des tubercules, donnait la préférence à celles dont la culture exige plusieurs labours, comme les haricots, les pommes de terre, etc. Les façons qu’on est obligé de leur donner, les engrais par lesquels on prépare la terre à les faire prospérer, l’ameublissent, la divisent, l’enrichissent. Le fumier, en général si contraire à la vigne, l’ennemi des bonnes qualités de son fruit, répandu ainsi d’avance, ne se fait plus remarquer que par ses bons effets ; il s’est dégagé de l’excès de son acide carbonique ; il n’est plus, en quelque sorte, que de la terre végétale, combinée avec le fonds du terrein ; et, dans cette nature, il convient à la vigne dans tous ses âges, et sur-tout dans celui de son enfance.

Les terres qui ont donné, pendant plusieurs années de suite, de bonnes récoltes de sainfoin, hedysarum onobrychis, ou de luzerne, medicago sativa, ont aussi reçu une excellente préparation pour la vigne. De tous les végétaux admis dans notre agriculture, il n’en