Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/282

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux végétaux délicats, qu’il est des tems ou la latitude reprend, en quelque sorte, son influence naturelle ; où les vents du midi pénétrant, à leur tour, dans ces contrées, exposent les plantes aux alternatives du chaud et du froid, plus funestes pour elles qu’une température rigoureuse, mais constante[1]. Ou rencontre cependant, dans l’étendue de ces pays, quelques climats accidentels, certains vallons, dont les abris se trouvent si heureusement disposés qu’on y cultive avec succès des plantes encore plus délicates que la vigne.

On sait, par exemple, que la plus grande partie des melons, dont sont approvisionnés les marchés de Paris, viennent d’Harfleur. Ou trouveroit aussi, dans le voisinage d’Avranches, quelques situations favorables à la vigne. Mais à quoi bon ces petites vignes isolées ? les propriétaires n’en tirent aucun avantage : le raisin y devient presque toujours, avant sa maturité, la proie des oiseaux ou des picoleurs.

Au reste, les montagnes de sable granitique de la Bretagne qui seroient propres, sans doute, à la vigne, si le climat répondoit à la nature du sol, ne sont cependant pas entièrement inutiles à ce genre de culture ; elles se trouvent, pour ainsi dire, placées en première ligne, pour couvrir et protéger les vignobles de l’Anjou, du pays Nantais et de l’Aunis.

Concluons de ces faits que les abris et la base du sol contribuent plus à former la température d’un lieu, que sa latitude elle-même ; que les climats et la nature du terrein variant à l’infini, les nuances doivent être infinies aussi dans la qualité des produits des végétaux ; que c’est une grande erreur, par conséquent, de croire qu’on puisse récolter du vin de Bourgogne où la Bourgogne n’est pas. Cependant on a vu quelques ri-

  1. On pourroit conclure, dit Catesby, de ce que les vignes croissent spontanément dans presque toutes les parties de l’Amérique septentrionale, que ces pays sont aussi propres à sa culture que l’Espagne, l’Italie, la France dont la latitude est la même ; mais les efforts qu’on a faits jusqu’ici dans la Virginie et la Caroline, prouvent que le climat n’est point doué de ces heureuses qualités qui, dans les parties parallèles de l’Europe, produisent de si bons vins. Les saisons sont plus égales dans l’ancien monde que dans celui-ci : On n’y éprouve point ces alternatives subites de chaud et de froid qui, dans la Caroline, flétrissent les jeunes pousses et, tour-à-tour, excitent ou arrétent la sève au printems. D’ailleurs l’humidité qui règne fréquemment à l’époque où les raisins surissent, crève l’enveloppe des grains et les pourrit : cette difficulté n’a point encore été vaincue. Hist. nat de la Caroline, Tom. I.

    Un français, Pierre Legaud, de la Lorraine, a depuis assez longtems essayé la culture de l’a vigne à Springmill, 8 milles de Philadelphie. Il a choisi un coteau qui présente du Sud-Est au Sud-Ouest ; il a tiré des plants de France, d’Espagne de Portugal ; ses dépenses et ses soins sont infructueux, les produits n’ont aucune qualité ; le seul dédommagement qu’il trouve c’est de vendre du plant à quelques autres cultivateurs, qui, vraisemblablement ne seront pas plus heureux que lui.