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fois il ne faut pas confondre le goût douceâtre avec le principe sucré. On mange, tous les jours, des raisins d’une saveur très-agréable, et qui sont peu propres à produire de bons vins. Il en est d’autres aussi, dans lesquels le principe sucré est enveloppé de manière à n’imprimer au palais qu’une saveur austère, et qui n’en contiennent pas moins, et quelquefois éminemment, les qualités vinaires. Ce principe est généralement plus marqué dans les pommes que dans les raisins ; celles dont on obtient le meilleur cidre, sont, pour l’ordinaire, d’une amertume, d’une austérité détestables au palais.

Ce n’est que par la culture qu’on peut parvenir à obtenir dans le raisin, le principe sucré, le muqueux-doux-sucré. Cet effet de la culture est peut-être plus frappant sur la vigne, que sur tous les autres végétaux qui sont l’objet de nos travaux agricoles. On a vu qu’abandonnée à la nature seule, ses semences elles-mêmes ne mûrissent pas en deçà du 45e. degré de latitude ; par conséquent qu’elle y est incapable de se reproduire ; et l’on sait que, soignée par les hommes, elle devient susceptible d’acquérir, jusqu’au 52e., toutes les qualités qui la rendent propre à donner de bons vins : par exemple les vins de Moselle.

C’est donc à cette fin, d’obtenir le muqueux-doux-sucré, c’est-à-dire le plus haut degré possible de maturité dans le raisin, que doivent tendre les travaux du cultivateur-vigneron, dans toutes et dans chacune des façons, qui composent ce genre de culture.

Pour que le raisin parvienne à sa maturité, il faut que la séve ou que les élémens de la séve qui circulent dans la plante, soient dans une juste proportion avec l’intensité et la durée de la chaleur atmosphérique. C’est cette chaleur qui élabore la séve, la modifie et opère en elle les combinaisons par lesquelles elle se convertit, dans le fruit, en principe sucré. Si la plante ne contient pas une abondance de séve capable de résister à l’action de la chaleur, les effets de celle-ci se font remarquer aussitôt, jusques sur la partie ligneuse de la plante ; elle en dessèche les organes ; elle crispe et resserre les canaux par lesquels la séve étoit répandue dans toutes les parties du végétal ; les feuilles languissent, se replient, tombent, et dès lors toute végétation est nécessairement interrompue. Si le fruit étoit

    paille, dans le département du Haut-Rhin, pour faire le vin de paille, et à Rivesaltes, sur le cep même pour fabriquer le vin muscat. On suit cette dernière méthode dans les isles de Candie, de Chypre, et en Espagne. Il est des endroits où l’on enlève la plus grande partie des feuilles du cep, quand le raisin approche de sa parfaite maturité. Les vins d’Arbois, de Château-Châlons, sont de tous les vins de France ceux qui approchent le plus en qualité, les bons vins de liqueur d’Italie : à Arbois, à Château-Châlons, on ne vendange que sur la mi-Nivôse, ou du moins qu’après que les gelées ont fait tomber les feuilles.