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a donné lieu à quelques observations très-remarquables. Le citoyen Duchesne, professeur de botanique et d’agriculture, dans le département de Seine et Oise, regarde comme très-utile[1] cette entreprise de cultiver comparativement la collection la plus complète qu’on pourra se procurer des cépages et complants de vigne ; c’est-à-dire, des races ou variétés individuelles, multipliées au moyen de la propagation par bourgeons.

En quelque lieu que cette collection s’exécute, dit-il, il est probable qu’elle pourra déterminer les essences véritablement différentes, et au moyen d’une bonne concordance, supprimer tous les doubles emplois causés par des équivoques de nomenclature… Quant à la proposition si importante, ajoute-t-il, de déterminer le mélange des plants qui fait produire à un terrain la plus grande quantité possible du meilleur vin, je doute que des expériences faites à Bordeaux, puissent rien offrir de concluant pour les vignobles des environs de Mâcon, d’Auxerre ou de Rheims. Pour justifier cette opinion, le citoyen Duchesne rapporte le fait suivant : « Le voisinage des belles plantations de Malesherbes et de Denainvillers, que j’étois allé visiter, en 1776, m’ayant donné occasion de parcourir le territoire de Puiseau, avec un riche propriétaire du canton, je pris connoissance de la culture que l’on fait dans ce vignoble, en terre forte et à plat pays, de deux sortes de raisin ; l’une nommée le gois, célèbre par la grosseur de son grain et de sa grappe ; l’autre, nommé le teint, parce qu’il sert à teindre, ou, si l’on veut, à colorer le vin dont le gois produit la quantité… On n’établit, sur le total de la vigne, qu’un cinquième ou un sixième en plant de teint. Cette proportion suffit pour que le vin du Gâtinois soit employé, comme vin colorant, pour tous les mélanges usités dans le commerce des vins. Les marchands l’achètent à la vue, sans le goûter, et le produit de ces vignes n’en est pas moins un excellent revenu.

Ce propriétaire avoit pour femme la fille d’un habitant d’Auxerre. Ils avoient désiré se procurer, pour leur usage, un vin plus délicat, et vraiment potable. Les meilleurs plants, tirés d’Auxerre, ne produisirent chez eux qu’un stérile feuillage : ils me firent voir le mauvais succès de leur entreprise et l’ont abandonnée.

« … Il est donc utile et même nécessaire, de former en France au moins quatre établissemens semblables à celui de Bordeaux, ou même de les multiplier dans tous les départemens où il se trouve des vignobles ; non pas peut-être pour y refaire le premier travail de la comparaison des essences diverses ; mais au moins pour cultiver comparativement celles

  1. Voyez les Annales d’Agriculture, publiées par le citoyen Tessier, tome II pag. 420.