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rent depuis trois cents ans et qu’on y appelle jeunes vignes celles qui n’ont qu’un siècle. Je trouve dans les notes que j’ai recueillies sur l’âge et la stature de cette plante, que la gelée dont les vignes furent atteintes dans le département du Doubs, dès le commencement de l’automne de 1739, pendant que les grappes pendoient encore aux ceps, le froid fut d’une telle intensité dans cette contrée, qu’il frappa de mort une treille de muscat blanc, plantée au midi et à couvert de toutes parts des vents froids rue Poitune, à Besançon. On ignoroit son âge, mais sa tige avoit un mètre huit décimètres d’épaisseur ; ses rameaux s’élevoient à quatorze mètres de hauteur et tapissoient une muraille dans la longueur de plus de quarante. La perte de ce phénomène, car en France c’en étoit un, causa une pénible sensation dans toute la province.

La vigne sauvage est moins délicate sur le choix du terrein que sur celui du climat, elle croît spontanément dans toutes les parties tempérées de l’hémisphère septentrional. On la rencontre assez fréquemment en Europe, dans son état agreste, jusqu’au 45e. degré de latitude. Catesby lui assigne la même ligne de démarcation, dans le nouveau monde. « Non-seulement, dit-il[1], elle croît spontanée dans la Caroline, mais dans toutes les parties de l’Amérique septentrionale, depuis le 25e. jusqu’au 45e. degré de latitude. Elle est si commune dans les bois que ses branchages sont souvent un obstacle à la marche des voyageurs, même à celle des chevaux. Elle y surmonte les arbres les plus élevés, et semble quelquefois les étouffer dans ses embrassemens. »

Des espèces, races, variétés, et de leur nomenclature.

La nature propage, par la semence, l’espèce qui lui appartient. Les variétés sont, pour ainsi dire, des jeux de la nature, qui ne se perpétuent pas constamment par la semence ; souvent elles engendrent un grand nombre de variétés nouvelles qui se rapprochent plus ou moins de la souche ou de la mère plante. Voilà pourquoi les botanistes qui n’ont voulu donner que les caractères qui se renouvellent constamment par la semence, n’ont d’écrit, pour les vignes, que la vitis vinifera ; de même qu’ils ont borné la description du pommier à la pirus malus ou à la pirus communis.

Les cultivateurs, dont l’art a pour objet, non-seulement de multiplier les espèces par la semence, mais de rendre constant les caractères des races ou variétés par le moyen des boutures, des marcottes ou provins et de la greffe, donnent le nom d’espèces aux individus qu’ils reproduisent par l’une ou par l’autre de ces méthodes, tout comme à ceux qu’ils obtiennent par la semence.

Cependant la loi de la nature

  1. Hist. Natur. de la Caroline. Tom. I. pag. 12.