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faut qu’une telle supposition soit vraie, et par conséquent plausible ! Faut-il encore répéter que les terres à blé ne sauroient convenir à la vigne, et que le terrain le plus propre à cette plante, est celui qui, dans notre climat, convient le moins à tout autre genre de reproduction ? Un arpent de vigne de Lafitte, de Latour, de Margaux en Médoc, ou de Haut-Brion, dans les Graves de Bordeaux ; qui rapporte annuellement trois pièces de vin, à raison de 500 ou 600 fr. chacune, (1500 ou 2000 francs les trois) donneroit à peine, en seigle ou en bois, 10 ou 12 francs par an. Par quel végétal utile remplaceroit-on la vigne, dans les territoires d’Arbois, de Condrieu, et sur presque toute la côte du Rhône ?

Ajoutons à cela que le terrain, consacré en France à la culture de la vigne, seroit d’une étendue presque double de celle qu’elle y occupe aujourd’hui ; que son produit suffiroit tout au plus à la consommation en vin de ses habitans. En prenant pour base de ce produit les vignes dont la culture est soignée, et dont une aveugle parcimonie ou une pitoyable indigence ne restreint point les frais d’exploitation, on obtient, année commune, sept poinçons par arpent. Mais comme, dans la combinaison de la valeur vénale du produit d’un tel arpent, nous avons soustrait un huitième de chaque propriété, censé employé su renouvellement du vignoble, nous devons borner le rapport à six poinçons et un huitième.

Voyons maintenant quel est le nombre d’arpens ou de demi-hectares employés à cette culture. Plusieurs écrivains se sont occupés de cette importante question, d’autant plus difficile à résoudre, qu’il n’a encore paru aucun travail élémentaire ou méthodique qui puisse diriger une pareille recherche. Toutefois nous adopterons, comme les plus vraisemblables, les calculs résultans des méditations et des travaux de cette classe d’hommes estimables qui auroient tant fait pour les progrès des sciences politiques et pour le bonheur des hommes, s’ils ne s’étoient obstinés à vouloir appliquer indistinctement à tous les pays, à tous les gouvernemens, à la Hollande, comme à la Lombardie, dont les sources de prospérité publique sont d’une nature si différente, un système d’imposition d’autant plus dangereux dans son application, qu’ils la veulent exclusive : ce qui suppose à chacun des membres des sociétés, non pas la même nature de revenu, mais les mêmes moyens de richesse, ou si l’on veut, d’existence. Quoi qu’il en soit, les économistes étant, de tous nos écrivains, ceux qui semblent avoir le plus approché de l’exactitude dans les calculs qu’ils ont faits sur ce sujet, nous en admettrons les résultats. Ils ont porté à un million six cent mille le nombre des arpens employés en France à la culture de la vigne. Cette quantité de terrain, à six poinçons un huitième de produit brut par demi-hectare, donne un total de neuf millions six cent qua-