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de vin d’Arbois, car je pense que vous ne le haïssez pas ».

« Quand Sully, nommé duc et pair donna pour sa réception un grand repas, le roi vint tout-à-coup le surprendre et se placer au nombre des convives. Cependant, dit le duc, comme il avoit faim et qu’on tardoit à servir, il alla en attendant manger des huîtres et boire du vin d’Arbois ».

Il nous reste à parler maintenant d’un des plus grands et des plus célèbres vignobles de la France, celui de Bordeaux.

La majeure partie des vins recueillis dans le territoire Bordelais ayant été pendant plusieurs siècles, étant encore de nos jours, plutôt un objet de commerce extérieur très-important, que de consommation intérieure, comme nous l’avons déjà observé, il n’est pas surprenant que nos écrivains, desquels ils étoient en général peu connus, n’en aient parlé que d’une manière très-succinte et, pour ainsi dire, en passant. Ausone qui vivoit au quatrième siècle, lui donne des éloges dans plusieurs de ses écrits. Mathieu Paris, parlant des dispositions de mécontentement et d’aigreur où étoit la Gascogne, en 1251, contre les Anglais, leurs dominateurs, dit que cette province se seroit soustraite dès-lors à l’obéissance de Henri III, si elle n’eût eu besoin de l’Angleterre, pour le débit de ses vins. Il est constaté par un registre des droits de la douane de Bordeaux que, dans le cours de L’année 1350, il sortit du port de cette ville cent quarante et un navires, chargés de treize mille quatre cent vingt-neuf tonneaux de vin (le tonneau est composé de quatre barriques, et chaque barrique contient deux cents pintes), qui avoient produit 5 mille 104 livres, 16 sols, de droits, monnaie bourdelaise. En 1372, dit Froissard, on vit arriver à Bordeaux, toutes d’une flotte, bien deux cents voiles et nefs de marchands qui allaient aux vins.

Les anciens documens que nous avons été à portée de recueillir sur ce grand et beau vignoble, se bornent à ce peu de citations ; mais il est d’une telle importance, comme partie du produit territorial de la France, que nous croyons devoir faire connoître, avec quelque détail, les principaux crus dont il est formé. On les divise d’abord en quatre parties principales : savoir : I°. le Médoc : II°. les Graves : III°. les Palus : IV. les Vignes-Blanches. On doit y ajouter trois autres cantons : quoiqu’inférieurs aux premiers, ils occupent un rang distingué dans la liste des principaux vignobles de la France. Ce sont ceux 1° d’Entre deux-Mers ; 2. de Bourgeais ; 3. enfin de Saint-Émilion.

Vignobles Bordelais du premier ordre.

I. Le vignoble du Medoc commence à-peu-près à la distance de 12 à 14 lieues, Nord, au-delà de Bordeaux. Il a son exposition au Levant et au Midi, longeant la rive gauche des rivières de Gironde et de Garonne. Il se termine en deçà de Blanquefort, deux lieues et demie avant Bordeaux. C’est au centre