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très-agréable, il y ait une défense imposée au grand-maître de la maison du roi-très-chrétien, de permettre qu’on serve du vin d’Orléans sur la table de sa majesté, et cet officier promet de s’y conformer sous la foi du serment. Plusieurs autres écrivains ont cité ou répété la même anecdote, mais aucun n’a désigné le titre original où il l’a puisée ; ainsi on peut ou révoquer en doute son authenticité ou se livrer à beaucoup de conjectures pour assigner un motif à son existence. Ne seroit-il pas possible qu’un prince ou quelqu’autre personnage important de la cour en ait pris d’une manière démesurée et dans un état douteux de santé, que cette ivresse ait produit quelque grave accident, et qu’un médecin plus adroit que véridique ait jugé convenable de l’attribuer plutôt à la qualité du vin qu’à la foible constitution ou à l’intempérance du buveur ?

L’Hermitage, Arbois et Condrieu ont à peine figuré dans les listes qu’on a parcourues jusqu’ici. Nous avons même pris sur nous de retrancher Condrieu de celle de l’abbé de Marolles, non que ce vignoble ne mérite une mention particulière ; mais parce que l’auteur l’a placé dans le Languedoc, tandis qu’il appartient au Lyonnois.

Le roi, écrivoit Patin en 1666, a fait présent au roi d’Angleterre de deux cents muids de très-bon vin ; savoir : de Champagne, de Bourgogue et de l’Hermitage.

Quant au vin d’Arbois, les mémoires de Sulli ont depuis longtems fait connoître l’anecdote suivante qui lui est en quelque sorte relative.

» En 1596, le duc de Mayenne après avoir mis bas les armes et traité avec Henri, se rendit à Monceaux où étoit le roi pour l’assurer de sa fidélité. Celui-ci, en ce moment, se promenoit dans le parc avec Sulli. Mayenne s’étant jetté à ses genoux, il le releva, l’embrassa trois fois ; puis le prenant par la main, il le mena par les différentes allées du parc, pour lui en faire admirer les beautés. Leste et dispos, il marchoit à grands pas : le duc au contraire qui étoit fort gras, et qui d’ailleurs étoit incommodé d’une sciatique, ne pouvoit le suivre qu’avec une peine infinie. Il suoit à grosses gouttes et souffroit cruellement sans pourtant oser s’en plaindre. Le roi enfin s’en étant apperçu, lui dit : Parlez vrai, mon cousin, n’est-il pas vrai que je vais un peu vite pour vous ? Mayenne répondit qu’il étouffoit, et que si sa majesté eût continué, elle l’eût tué sans le vouloir. Touchez-là, mon cousin, reprit le roi en riant, et lui frappant sur l’épaule : car pardieu, voilà toute la vengeance que vous aurez de moi ; et en même-tems il l’embrassa de nouveau. Mayenne, pénétré jusqu’aux larmes, fit un effort pour se jetter à genoux une seconde fois. Il baisa la main du roi et lui jura qu’il le serviroit désormais contre ses propres enfans. Or sus, je le crois répartit Henri ; et afin que vous puissiez m’aimer et me servir plus long-tems, je vais vous faire donner deux bouteilles