Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bourgogne. Tout ce que peut prétendre celui-ci, dit-il, quand il a perdu toute son âpreté, et qu’il est en sa bonté, c’est de ne point céder aux vins français. Certes, nous ne disconvenons pas qu’il n’y ait beaucoup d’exagération, ou même une partialité ridicule dans ce jugement du docteur Paumier : mais il tend à prouver, avec les autres passages déjà cités, que les vins des environs de Paris ont joui, pendant plusieurs siècles, d’une réputation qui n’existe plus aujourd’hui ; et ce qui prouve aussi qu’elle s’est maintenue jusqu’au commencement du dix-huitième siècle, c’est que l’abbé de Chaulieu, dans une pièce de vers écrite en 1702, représente le marquis de la Fare, son ami, allant souvent boire du vin à Surène.

Et l’on m’écrit qu’à Surène
Au cabaret on a vu
Lafare et le bon Silène
Qui, pour en avoir trop bu,
Retrouvoient la porte à peine
D’un lieu qu’ils ont tant connu.

La Fare, homme aimable, à talens, accoutumé à ne vivre que dans les sociétés les mieux choisies, qu’aux tables les plus délicatement servies ; lui qui contribuoit pour beaucoup au charme des réunions de l’hôtel de Rambouillet : la Fare n’eût pas donné la préférence aux cabarets, où l’on ne buvoit vraisemblablement que du vin du crû de Surène, si ce vin n’avoit pas eu d’autres qualités que celles qui le caractérisent aujourd’hui.

On chercheroit peut-être vainement ailleurs que dans les progrès excessifs de la population de Paris, depuis un siècle, la première cause du discrédit où sont tombés les vins de son voisinage. Le nombre des artisans et des ouvriers s’étant multiplié, dans cette grande ville, en raison des besoins de ses habitans riches ou aisés, les tavernes, les cabarets, les guinguettes y sont devenus infinis dans leur nombre. Constamment remplies par des consommateurs d’un goût peu délicat, ils forment un marché permanent ; ils sont un débouché, dans tous les momens, ouvert à l’écoulement de la denrée dont nous parlons. Les propriétaires sûrs de la placer avantageusement, en quelque quantité qu’ils en soient pourvus, et de se procurer une reprise avantageuse sur le transport, dont les frais sont presque nuls comparés à ceux qu’entraînent de longs charrois, les ont décidés à porter leurs spéculations sur la quantité plutôt que sur la qualité. L’abondance des engrais, la facilité de se les procurer à bon compte, entr’autres ceux qu’on nomme boue-de-Paris, et qui contiennent les principes les plus actifs de la végétation, ont puissamment secondé leurs vues. Il n’a plus fallu ensuite que négliger l’entretien ou la multiplication des plans choisis qui produisent toujours peu, et les sacrifier aux espèces communes ou grossières qui donnent beaucoup pour faire perdre à ces vignobles la célébrité qu’ils avoient acquise et justement méritée. Nous connoissons quelques propriétaires dans les terri-