ticulière aux côtes des haute et basse Normandie, aux parties occidentale de la Picardie et septentrionale de la Bretagne qu’il faut seulement attribuer le peu de succès des efforts qu’on a tentés à cet égard ? Telle est notre opinion ; elle est fondée sur une observation qui sera présentée avec quelque développement dans le chapitre V, au paragraphe intitulé : Du sol et du climat propres à la culture de la vigne. On est tellement convaincu aujourd’hui de l’impossibilité d’obtenir du vin passable dans ces territoires que beaucoup de personnes doutent que la vigne y ait jamais été cultivée en grand. Mais les témoignages de l’histoire ne sont point équivoques sur ce fait ; ils sont même assez multipliés. Les environs de Rennes, de Dol, de Dinan, de Monfort, de Fougères et de Savigné ont eu leurs vignobles. L’historien D. Morice en fait mention et ajoute avec une sorte d’humeur qu’ils sont plus propres à fournir du bois, du gland et du charbon que du vin. Un gentilhomme Breton, nommé Dulattai, saisissant un jour l’occasion de louer sa patrie, dit devant François Ier., qu’il y avoit en Bretagne trois choses qui valoient mieux que dans tout le reste de la France, les chiens, les vins et les hommes.
Pour les hommes et les chiens, il peut en être quelque chose, reprit le roi, mais pour les vins, je ne puis en convenir, étant les plus verds et les plus âpres de mon royaume. Il ne s’agissoit sans doute que de ceux de la Basse-Bretagne.
Une vie de Saint-Filibert, abbé de Jumièges, au pays de Caux, fait mention des vignes voisines de ce monastère. Richard II, duc de Normandie, donna au monastère de Fécamp le bourg d’Argentan qui avoit la réputation de produire de très-bon vin. Très-bon ! sans doute en comparaison des autres vins de Normandie. Il y a eu des vignes à Bouteilles près de Dieppe et à Pierrecourt sous Foucarmont. On voit par les détails de la journée dite l’Erreur d’Aumale, que Henri IV y perdit deux cents arquebusiers à cheval qui furent coupés et faits prisonniers, parce que les échalas de la plaine d’en bas, voisine de Neufchâlel, les avoit retardés dans leur retraite[1]. Huet[2] fait mention des vignobles voisins de Caen ; il en existe encore deux de nos jours dans la même contrée, Colombel et Argence. Nous avons été à portée de goûter le produit de ce dernier crû ; et il faut convenir qu’il seroit difficile de préparer pour la cuisine un verjus plus acerbe que ne l’est ce vin. On voit encore des vignes en Picardie ; le territoire de Cagni, près d’Amiens, n’est pour ainsi dire qu’un vignoble. On en trouve aussi près de Montdidier et dans quelques autres cantons du département de la Somme ; mais la qua-